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desmotsdebrie

Atelier d'écriture créative, écriture partagée, en groupe, littérature, poésie, nouvelles, apprentissage techniques d'écriture,exemples de contrainte d'écriture

Melvira

Episode 6

Episode 6

 

En cette fin d’été, La Parenthèse en Brie, paraissait calme, écrasée par le soleil. Les arbres fruitiers croulaient sous le poids de fruits d’automne et nos Briards s’affairaient. Jamais leur esprit n’avait été aussi préoccupé par  « la maladie ».

En ce beau vendredi, Melvira la marchande de primeurs appelait le chaland à profiter de son étalage :

« Approchez Messieurs dames,

Yeutez mes poireaux, ce sont les plus beaux.

Tâtez ces belles pommes, c’est bon pour les hommes.

Pas de chichis ici, mangez des kiwis du Midi.

A mon étalage, personne n’est trop sage.

Pour les pissenlits, sortez de vos lits.

Et mes belles bananes, elles sont pas en panne.

Mes oranges dodues, vous les avez vues ?

Avis aux radins, le persil en brin

Frise à volonté, allons achetez !

Eh oui, mes cocottes, mes oignons grelottent ! »

 

Bien en chair, voluptueuse et coquette, Melvira aguichait autant pour sa marchandise que pour elle. Du coin de l’œil, Valdéric, le garde-champêtre l’observait en mâchouillant sa moustache, signe de grande irritation.

Tout le monde connaissait la liaison « secrète » de Valdéric et Malvira, même Mertille, l’épouse de Valdéric. Celle-ci s’était mariée par nécessité au fringant coureur de jupons qui l’avait séduite un soir du bal des pompiers. S’en était suivi la naissance de jumeaux qui grandissaient, robustes et rebondis sans que la nature ait consenti à donner d’autres enfants au couple. Tout simplement parce que Mertille avait mis fin aux ébats conjugaux qu’elle détestait. Cependant, Valdéric avait des appétits qu’il avait réussi à combler avec Melvira. Si Melvira était attirée bien plus par les plaisirs du corps que ceux du cœur, Valdéric, quant à lui éprouvait pour sa maitresse un réel amour. Aussi, la surveillait-il de près.

Et d’encore plus près depuis que la maladie s’était abattue sur La Parenthèse. Pour lui, il n’y avait aucun doute, le responsable, c’était Virgile. Et sans lui, on n’en serait pas là aujourd’hui à rencontrer des habitants, la mine triste et l’esprit en déroute. Palatien, la dernière victime, préconisait la médecine pour soigner et lui Valdéric, il criait haut et fort à qui voulait l’entendre, qu’il fallait expulser du village le libraire indélicat.

 Pour un peu, il aurait armé son tambour et arpenté les rues du village pour que l’importun soit évacué manu militari, mais Monsieur le Maire avait prévenu : « Valdéric, pas de ça chez nous ! Ce sont des histoires que nos villageois vont finir par résoudre. Un peu de patience. Attendons et c’est un ordre »

Donc, Valdéric surveillait sa Dulcinée afin d’éviter que Virgile, qui par ailleurs était bel homme, s’approche trop.

Comme le marché se déroulait non loin du bistrot, il entra et se tourna de telle sorte de voir Melvira. Il commanda un pastis.

  • Alors Valdéric, toujours à pied d’œuvre ? s’enquit Théonis, goguenard.

Valdéric avait sciemment tourné le dos à un groupe de vieillards qui tout en sirotant leur vin blanc jouaient aux cartes. Ils brocardaient souvent Valdéric qu’ils n’appréciaient pas beaucoup. Dès qu’il était entré, ils s’étaient tous regardés pour que le bal des boutades commence. Valdéric les entendait à peine tellement il était affairé à sa surveillance. Il ne répondit même pas à Théonis que la situation divertissait.

Soudain, son attention fut éveillée par une belle femme qui fit face à l’étalage de Melvira. Svelte et aérienne, elle parcourait du regard et des gestes les cageots de fruits tout en parlant à une Melvira médusée. Cette dernière avait pris la couleur de ses tomates.

Valdéric interrogea Théonis :

  • C’est qui cette femme ? dit-il en la désignant du doigt, elle me dit quelque chose.

Derrière lui, des rires s’élevèrent et il se retourna, faisant redoubler l’hilarité  et Théonis n’eut pas le temps de répondre que Déodat, son oncle lui cria :

  • C’est ta femme, tu la reconnais pas ? Pourtant, elle est bien belle, je serais toi, j’irai voir de plus près !

Pris au dépourvu, Valdéric se retourna pour voir s’éloigner Mertille son panier au bras sous les regards des hommes qu’elle croisait.

Quand il sortit du bistrot, abasourdi et mécontent, il rejoignit Melvira, toute tourneboulée, il lui dit :

  • Non mais, t’as vu dans quel état elle est, c’est plus une épidémie, c’est une pandémie ! Je vais parler au maire.

Il prit la direction de la mairie d’un pas vif et allongé, laissant Melvira songeuse.

Le soir, elle fit une promenade laissant Valdéric se consumer de colère contre Mertille. Il ruminait sa vengeance contre Virgile. Puis, le temps passa qui efface beaucoup de choses…Mais pas toutes.

Un soir qu’il revint grisé par le vin et le ressentiment, il se blottit contre Melvira pour se réconforter. La jeune femme, toujours prête le cajola et l’encouragea à reprendre des ébats qu’ils avaient oubliés depuis un certain temps, quand soudain, Valdéric se leva d’un bond, alluma la lumière et suspicieux, scruta Melvira qui le regardait souriant d’un air malicieux. Il cria :

  • Alors toi aussi, tu as attrapé la maladie ! Non mais c’est pas possible. Et s’adressant on ne sait pas trop à qui, il ajouta en levant la tête vers le ciel : mais qu’est qu’on va devenir ?!

Car c’était indéniable, Melvira avait perdu un beau tour de taille…

 

 

 

 

 

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