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desmotsdebrie

Atelier d'écriture créative, écriture partagée, en groupe, littérature, poésie, nouvelles, apprentissage techniques d'écriture,exemples de contrainte d'écriture

Margellus

Margellus

Le temps gris était arrivé en ce début décembre et nos Briards s’apprêtaient à l’illuminer en prévision des fêtes de Noël.

Le Père Edelmond avait convaincu Monsieur le Maire d’organiser un grand festin le soir de Noël pour clore cette année particulière.

Il avait semblé à tous que Florabelle n’avait pas rempli sa mission et que Virgile, une fois de plus avait répandu la maladie.

Pourtant, il n’en était rien. Si désormais Florabelle était plus gracieuse et un peu moins ronde, c’est qu’elle avait compris que Virgile n’était pas un ennemi et que les lecteurs s’étaient jetés à corps perdu dans l’art de la lecture à un moment de leur vie où ils avaient beaucoup de retard à rattraper.

L'essentiel lui avait dit son nouvel ami, c' est qu’ils ont conservé leur âme d’enfant et qu’ils ont ouvert larges les portes de leur imagination.

Aussi, fidèle à son histoire Florabelle s’était instruite des destins de femmes et il y en eu d’exceptionnels qu’elle collectionnait passionnément pour le grand bonheur du Père Edelmond.

Un jour, elle l’avait surpris en train de rire en lisant son bréviaire et étonnée  lui avait demandé :

  • Et bien mon Père, quelle prière vous fait ainsi rire ? Je ne savais pas que c’était si cocasse !
  • Je l’avoue, Répondit-il, ce n’est pas mon bréviaire, ce sont les fables de Jean de la Fontaine,

 Monsieur le Curé pour partager son bonheur lut  tout haut « Le gland et la Citrouille » et ajouta,

  • Vois tu Florabelle, si je lisais cette fable à l’église, je suis sûr que nos paysans seraient plus attentifs à l’office : il faut parler aux gens avec leurs mots et leur raconter leurs histoires, celles où ils se reconnaissent, sinon ils pensent qu’on veut leur imposer des choses qui ne sont pas de leur monde. Et quand un peuple obéit, ce n’est plus un peuple, c’est un troupeau, mais je m’égare !

Il se mit à rire et s’endormit.

Le lendemain, elle se rendit chez Théonis qui la reçut derrière son comptoir, l’œil noir et le geste vif.

Elle voulut lui parler en aparté et lui posa quelques questions. Soudain, rejetant sa casquette en arrière, les oreilles rouges de surprise, un sourire large comme un viaduc, il prit Florabelle dans ses bras et l’embrassa sur les joues. Il s’écria :

  • Comment j’ai fait pour pas voir ça ! Merci Florabelle. Il retourna derrière son comptoir et paya une tournée générale pendant que Florabelle s’éclipsait.

Le soir, entre chien et loup, il se rendit successivement chez  Mélinien, Odélon, Palatien et Valdéric, et à chaque fois, ce furent des cris d’étonnement, puis des cris de joie. Il rentra en titubant et Ludovie lui fit signe par la fenêtre. Enfin, « la maladie »  était vaincue et cette nuit là un concert de ronflements accompagna le cri des hiboux.

La semaine suivante, Florabelle prit une décision et tout en s’habillant simplement, elle prit soin de brosser ses cheveux et de mettre un peu de poudre sur ses joues. Elle déposa dans son cabas une paire de chaussures et se dirigea vers la boutique de Fedorel, le cordonnier.

Quand elle sonna, un jeune garçon vint lui ouvrir :

  • Bonjour Madame, je suis Louis, l’apprenti de Fedorel, soyez la bienvenue.

D’abord interloquée par cet accueil, elle se troubla en regardant le jeune homme qui lui souriait. Ses beaux yeux bleus illuminaient son visage encore un peu rond de l’enfance.

  • Bonjour Louis, puis s’adressant à Fedorel qui s’approchait : je ne savais pas que tu avais un apprenti, il est charmant.
  • Merci Florabelle, oui, il vient de l’orphelinat et il a évoqué l’envie de devenir cordonnier et comme je n’ai pas de descendance et lui pas de famille, j’ai pensé que à nous deux nous pourrions constituer un foyer. Que nous vaut le plaisir de ta visite ?

Florabelle sortit ses chaussures de son cabas et lui expliqua son problème. Elle observa Fedorel et le trouva moins bossu que dans son souvenir, il était assez grand pour qu’elle lève la tête sur sa belle chevelure brune et frisée, il avait de belles mains et ses yeux scintillaient de gentillesse.

Les jours passèrent et Florabelle prit l’habitude de rendre visite à Louis et à Fedorel. Et puis, la vie se chargea de faire le reste. C’est avec eux qu’elle participa au festin de Noël, pour son plus grand plaisir et tout l’amour que son cœur commençait à ressentir pour Fedorel et son jeune ami.

Les Parenthésiens se rendirent tous au repas de Noël et festoyèrent bien avant la messe, y compris le Père Edelmond.

Au cours du repas, Théonis demanda à prendre la parole et le silence se fit. Il expliqua alors que la maladie n’avait jamais existé et que seule leur manque d’attention et leurs préjugés les avaient conduits à penser que Virgile était responsable. La lecture n’était pas un danger, seulement, ça prenait beaucoup de temps et selon ce qu’on lisait, on pouvait tout simplement oublier de…manger et ainsi, nos lecteurs passionnés ripaillaient moins, rêvaient beaucoup, se laissaient aller à de fabuleux voyages, nourrissant leur tête et oubliant leur corps et vous connaissez la suite. Virgile avait raison, la lecture était en soi un petit miracle dont il fallait user, mais pas abuser ! Les lecteurs se regardèrent et pensèrent que cela n’engageait que Théonis.

Le Père Edelmond applaudit vivement ainsi que Monsieur le Maire assis à ses côtés. Quand ils voulurent se lever, ils restèrent coincés dans leur siège qui bascula à la renverse et le curé s’écria :

  • Monsieur le Maire, il est grandement temps que nous nous mettions sérieusement à lire !
  • Je vous le promets mon Père répondit l’édile et ils s’esclaffèrent sur le sol au milieu des applaudissements.

Et moi, Margellus, dans tout ça, je n’étais que le grain de sable dans cette histoire. J’étais venu pour rendre la joie de vivre à Florabelle que j’avais tant aimée. A l’époque où je l’avais connue, j’avais préféré ma liberté, celle de vivre sans lien alors que cette femme était le sel de ma vie, mais je ne le savais pas et j’avais pris la fuite.

Si j’avais su pour l’enfant, je serais revenu. Quand je découvris que les parents de Florabelle lui avaient enlevé son enfant pour le placer à l’orphelinat, en lui faisant croire qu’il était mort, je me suis promis de réparer.

J’ai retrouvé l’enfant que j’ai placé chez Fedorel, le meilleur père qu’il puisse avoir et j’ai œuvré avec Virgile et le Père Edelmond pour que Florabelle le retrouve.

J’ai tout fait pour qu’elle ne me reconnaisse pas. En cela, j’ai réussi, mais surtout je lui ai rendu son cœur vivant et prêt à revivre pour quelqu’un d’autre…

 

FIN

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N
Quelle belle histoire...hélas, je n'ai pas perdu 1 gramme !
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