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desmotsdebrie

Atelier d'écriture créative, écriture partagée, en groupe, littérature, poésie, nouvelles, apprentissage techniques d'écriture,exemples de contrainte d'écriture

Florabelle et Virgile

Episode 10

Episode 10

Ce mois d’octobre là fut particulièrement beau et doux. Les feuilles n’avaient pas envie de tomber et le soleil brillait d’un éclat généreux.

C’est donc par un beau matin ensoleillé que Florabelle se dirigea d’un pas alerte et décidé à la librairie. Armée d’un parapluie dont d’aucuns aurait pu se demander à quoi il allait bien lui servir, elle passa devant les boutiques où des yeux attentifs et des cœurs plein d’espoir attendaient avec hâte les effets de son action sur la maladie.

Chacun y alla de son impatience : Théonis cassa des verres sous le regard étonné d’Albantine, revenue de chez sa mère un peu moins maigre.

Ludovie servit la clientèle la chevelure parsemée de farine. Odélon servit du foie de génisse au lieu du foie de veau. Valdéric houspilla Monsieur le Maire pour la première fois de sa vie et celui-ci utilisa l’eau de toilette de Madame à la place de la sienne.

Mélinien se trompa en rendant la monnaie et créa le désarroi de la clientèle qui sentit bien qu’aujourd’hui rien n’allait à la Parenthèse.

Déodorine, la coiffeuse et Ursalie la mercière conversaient devant chez Fedorel le cordonnier quand elles virent, étonnées, Florabelle entrer chez Virgile. Elles se regardèrent d’un air de connivence avant de se séparer pour regagner leur boutique.

A l’ouverture de la porte, une cloche tinta qui fit se retourner Virgile juché sur un escabeau en train de ranger des livres sur une étagère. Il n’eut pas l’air surpris de la visite. Il descendit lentement de son perchoir et vint accueillir cette nouvelle cliente le sourire aux lèvres.

  • Bien le bonjour Florabelle, dit-il gentiment. Que me vaut le plaisir de votre visite ?
  • Bonjour, répondit Florabelle, raide et appuyée sur son parapluie inutile.
  • Je cherche un ouvrage sur la vie de Sainte Catherine, mais je suppose que vous n’en avez pas, continua t- elle abruptement.
  • Ah, et pourquoi donc ? Catherine d’Alexandrie était une savante et à ce titre mérite qu’on s’attarde sur sa vie. Venez, suivez-moi.

Virgile précéda Florabelle dans l’arrière boutique. Florabelle, méfiante jeta un œil autour d’elle et hésita à suivre Virgile. En avisant les étagères et les rayons munis de tant de livres, elle admira la vitrine éclairée par le soleil qui inondait la boutique d’une lumière joyeuse. Cela la rassura. Soudain, elle se sentit bien : un calme incroyable lui descendit sur les épaules et le dos, et elle se détendit. Virgile revint :

  • N’ayez crainte, ici, il n’y que des livres et un amoureux des livres.

Sans réfléchir plus avant, elle dit :

  • Je vous suis. Elle  lâcha son parapluie et suivit le petit couloir qui menait à une autre réserve de livres.

Là, éclairés par la lumière matinale reposaient les livres sur la religion. En un tour de main, Virgile avait ôté d’une étagère un beau livre relié qu’il ouvrit avec précaution. Apparurent alors de belles pages enluminées.

  • Voici une reproduction d’un ouvrage consacré à Sainte Catherine. Il est beau à regarder et intéressant à lire. Je vous le recommande. Cependant, la vie des Saintes est toujours triste et cruelle, enfin, surtout leur mort. Vous me direz ce que vous en pensez.

Surprise, Florabelle se saisit de l’ouvrage que lui tendait le libraire et dans un geste de tendresse qui ne lui était pas coutumier, caressa la couverture. L’animosité avait disparu de son cœur et elle regardait cet homme avec moins d’appréhension.

  • L’avez-vous lu ? Demanda t- elle, curieuse
  • Oui, c’est mon métier, les livres sont mes amis. Ils renferment la philosophie de la vie et l’histoire de l’humanité. Ils racontent les rêves des hommes et des femmes, leurs peines et leurs joies. Leurs chagrins et les blessures qu’ils s’infligent, et cela depuis des millénaires. C’est à nous de savoir lesquels nous préférons aux autres. Parce qu’il faut faire un choix et que nos idées sont différentes. Voyez-vous, quand je suis arrivé à la Parenthèse et que j’ai découvert que tous les habitants étaient, comment dire, plus « ronds » qu’ailleurs, j’ai été surpris, mais j’ai vite compris que cette différence n’affectait en rien se qui se trouvait dans leur cœur.

Alors, je vous le dit, maigre ou gros, quelle importance ? Pourvu que nous soyons heureux dans notre tête et que nous apportions notre touche à la vie de cette Terre. Chaque être est un univers et il serait impardonnable  de ne pas essayer de le découvrir. Pour cela, il suffit d’être curieux des autres, quitte à bousculer un peu « notre univers ». Et puis, il y a les mots, qui sont les clés pour entrer et sortir…

Ainsi conclut-il, en souriant à Florabelle. Celle-ci se dirigea vers la sortie et une main sur la poignée de la porte, se retourna et dit :

  • Merci.

Puis elle sortit et l’air lui sembla moins lourd à supporter. Elle écouta quelques oiseaux qui se croyaient au printemps. Elle huma une odeur étrangère qui ne la surprit pas et se dirigea vers sa maison, la tête haute et le regard attisé. Elle s’enferma dans sa maison. Seule avec son livre.

Pendant plusieurs jours, elle retourna le livre dans tous les sens et s’imprégna de l’histoire de Catherine d’Alexandrie qui avait combattu un empereur avec ses connaissances.

Un matin, elle se regarda dans la glace et ne vit plus beaucoup de rides au dessus de son nez et sa bouche ne s’affaissait plus de dédain comme d’habitude. Elle boutonna son chemisier et les boutonnières ne se tendaient plus comme avant. Elle soupira et se décida à aller rendre visite au Père Edelmond.

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