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desmotsdebrie

Atelier d'écriture créative, écriture partagée, en groupe, littérature, poésie, nouvelles, apprentissage techniques d'écriture,exemples de contrainte d'écriture

Placidie

Episode 3

Episode 3

Le temps s’écoulait doucement mais le village qui dormait le long du Petit Morin connaissait quelques émois.

Nos Briards replets s’inquiétaient. La maladie s’était installée, elle avait d’abord touché Ursalie la mercière, puis Albantine, la femme du cafetier. Elle avait atteint Déodorine la coiffeuse sans parler de Virgile, le libraire. Comme il était déjà moins enrobé à son arrivée que nos joyeux Briards, on se mit à supposer que c’était lui qui avait apporté cette maladie.

Cependant, la « maladie » marqua le pas pendant quelques semaines. On commença à mieux respirer même si les « malades » n’avaient pas repris leur poids.

Dans les chaumières, chacun surveillait sa moitié pour évaluer les rondeurs perdues ou pas.

Puis un matin, alors qu’il servait Florabelle, Odélon le boucher se mit en colère. On n’aimait pas beaucoup Florabelle à la Parenthèse. D’aucuns la traitait de grenouille de bénitier tandis que d’autres, essayant de l’approcher récoltaient de terribles rebuffades. Mais personne ne se serait permis de se mettre en colère : on la plaignait davantage qu’on ne l’enviait.

Ce jour là, Florabelle entra comme d’habitude dans la boutique d’Odélon suivie de Ludovie la boulangère, rondelette à souhait qui sentait bon la brioche.

 Odélon  préparait des paupiettes de veau. Placidie se tourna poliment vers Florabelle pour la servir. Sans répondre au bonjour de Placidie et sans lever la tête, elle commanda une tranche de foie de veau.

Placidie s’affaira comme d’habitude en souriant. Posant son regard sur la balance où la tranche avait été déposée, Florabelle constata qu’il ne s’agissait pas de foie de veau et dit :

  •  Je t’ai demandé du foie de veau et non du foie de génisse, où as tu la tête Placidie ? et elle  leva enfin le nez vers la bouchère, les lèvres pincées elle allait assener une rebuffade quand elle s’arrêta net. Placidie souriait d’un nouveau sourire, plus étincelant et surtout ses joues n’étaient plus aussi rondes.
  • Mais qu’est ce qu’il t’arrive Placidie ? Tu es malade ? Elle se tourna vers Ludovie tout autant étonnée.
  • Non, pourquoi ? Ce n’est pas parce que j’ai changé de coiffure que je suis malade. C’est Déodorine qui m’a convaincue de changer de coiffure : plus moderne. Ça ne te plait pas ? répondit Placidie gentiment.

A ce moment là, Odélon se retourna pour croiser les regards horrifiés de Florabelle et Ludovie.

  • Quoi ? hurla-il, t’as jamais vu quelqu'un changer de coiffure ? Tiens ? si t’en faisais autant, t’aurais l’air plus aimable. Alors, cette tranche de foie, tu la prends ou tu la prends pas ?

Effarée par tant de grossièreté, Florabelle tourna les talons et sortit le rouge aux joues sans oublier de jeter aux commerçants un regard noir chargé de mépris. Ludovie toujours surprise resta coite.

Placidie était confuse et morigéna Odélon. Celui-ci enleva son tablier, sortit par la porte de derrière en la claquant fort et se rendit au café.

Quand Théonis le vit arriver, rouge et énervé, il s’attendait au pire. Sans dire bonjour Odélon s’assit au bar et commanda un cognac. Ce n’était pas dans ses habitudes.

  • Ben qu’est ce qui t’arrive ? Demanda Théonis
  • Je suis en colère : Placidie a contracté la maladie.
  • Hein ? elle s’est mise à lire ?
  • T’as deviné et depuis qu’elle va à la librairie, elle maigrit,
  • C’est fou ce truc ! Jamais j’aurais pensé que tourner les pages d’un livre ça puisse faire cet effet là. Ben tu sais quoi, Monsieur Le Maire il doit pas lire beaucoup !

Odélon avala cul sec son verre et en réclama un autre. Théonis s’inquiéta :

  • T’es sûr ? Odélon opina et Théonis reprit : tu t’en es aperçu comment pour les rondeurs ?
  • Ben comme toi pardi, en tâtant et un matin j’ai compris, il y avait un livre sur la table de chevet.
  • C’était lequel ?
  • Madame Bovary,
  • Oh là là, celui là il est terrible ! Je sais pas ce qu’elle leur raconte cette Madame Bovary mais franchement après, elles sont plus pareilles,
  • Dis moi, enchaina Odélon, Albantine, elle continue de lire ?
  • Oui, et maintenant, quand je lui dis quelque chose, elle me répond par une phrase citation qu’elle dit que ça s’appelle ?
  • Et elle continue de maigrir ?
  • Non, ça s’est stabilisé et finalement… Théonis s’approcha d’Odélon, comme elle est plus svelte ça nous permet de faire des choses qu’on faisait pas avant… Si tu vois ce que je veux dire.
  • Au bout de combien de livres ? Interrogea Odélon,
  • Oh une bonne vingtaine,
  • Vingt livres ! Elle a déjà lu vingt livres ! Odélon se mit à transpirer et sortit son grand mouchoir à carreaux pour essuyer son visage cramoisi. Théonis reprit :
  • Écoute, laisse faire et continue de surveiller. Ça doit pas être si terrible cette maladie puisque ça finit par s’arrêter.

Un peu réconforté, Odélon regagna sa boucherie. Avant de se rendre dans la boutique, il monta dans la chambre à coucher et compta les livres que Placidie avait déjà lus et tenta de se représenter les rondeurs qu’elle allait encore perdre…

 

A suivre...

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L
Savoureux les dialogues! On sent un petit virage dans l'histoire...
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Y
Que de surprise. ! Je lis de tout et sur tout, je ne perds pas un gramme ! Merci Dr Catherine de communiquer les références de lectures appropriées à l'amaigrissement. J'espère qu'elles me seront bénéfiques également.
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N
Il faudrait bien que je lise un peu plus et que je reprenne mes classiques surtout !<br /> Merci Catherine, je me régale de ce suspense.
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C
L'enquête n'avance pas... Le mystère reste entier. Bravo pour le suspense !<br /> Ces "pauvres" messieurs avec leur douce moitié qui maigrissent, je ne les plains pas puisqu'elles semblent consentantes.
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