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desmotsdebrie

Atelier d'écriture créative, écriture partagée, en groupe, littérature, poésie, nouvelles, apprentissage techniques d'écriture,exemples de contrainte d'écriture

Au Pays de Conogans

Dernière partie

Dernière partie

Ce jour-là, Kilian Guézennec le bourgmestre questionna et écouta Rozenn la guérisseuse, ensuite ce fut le tour d’Enora l’étrangère qu’on revit pour la première fois traverser le pays depuis ces vingt-huit derniers jours. Puis il fit venir Alan le pelletier et Yann le berger qui firent leur rapport sur les circonstances de leurs découvertes macabres et qui leur donnèrent leur avis sur les évènements. En fin d’après midi il demanda à l’apothicaire, son épouse et leurs deux filles de répondre à quelques questions sur leur passé au pays des Punigans mais aussi sur leur nouvelle vie au pays des Conogans. L’abbé Tancrède notait toutes les interrogations et les réponses des intervenants sous le regard admiratif de Guerarht le veilleur de nuit qui ignorait tout de cet exercice de scribe.  En soirée, le Bourgmestre demanda qu’une collation leur soit servie et il pria ces derniers de l’aider à faire le point sur cette bien triste affaire de meurtres d’enfants.

- « Puis-je prendre la parole présentement, intervint l’Abbé Tancrède. Nous avons eu en premier lieu l’affligeante histoire de Rozenn la guérisseuse qui par jalousie et méchanceté avait désigné la jouvencelle Enora comme coupable. Jalouse, parce que cette dernière était reconnue meilleure guérisseuse qu’elle. « Elle lui vole ses clients » affirme-t-elle. Méchante et en fort courroux contre la Enora qui est une étrangère. De plus, elle nous a avoué sa haine pour la jeune femme. Haine qu’elle explique en invoquant plusieurs raisons. Elle nous dit maintenant que l’étrangère aurait refusé de pratiquer une délivrance interdite sur sa sœur Soléna… Je vous rappelle que cette dévergoigneuse faisait commerce de son corps. Ce refus aurait conduit cette gueuse à ne plus pouvoir exercer. Faible d’esprit et dans le besoin la Soléna se serait suicidée… Elle a été excommuniée pour un tel geste contre nature, je vous le rappelle. D’où le désir de vengeance chez la Rozenn et ses premiers mensonges. Cette détestation s’entend de plus car la Enora est tout ce qu’elle voudrait être, jeune, belle et intelligente.

Les gens du bourg commencent à oublier qu’elle vient d’ailleurs et la mandent pour ses remèdes. La Rozenn prétend aussi qu’elle a surpris plusieurs fois Enora seule avec des enfants du village le soir et que certaines nuits de pleine lune cette dernière récite des incantations. Elle la traite de « sorcière ». Rozenn La guérisseuse nous a signalé aussi, je reprends ses mots : « Même cet imbécile de Yann, lui faisait la cour alors qu’il était mon amant avant son arrivée au bourg ». Derechef, nous savons que la donzelle Enora plait aux hommes et qu’elle sait manipuler le mâle avec ses airs de femme-enfant.

Comme toutes les filles, elle porte le mal en elle. Cependant nous ne lui connaissons aucune aventure avec l’un des hommes du pays. Discrète, elle est. La Rozenn pourrait être la coupable et avoir manigancé toute cette histoire pour accuser et éliminer sa rivale Enora, la faisant passer pour une sorcière. De ce fait… A mon entendement… la Rozenn fait une bonne coupable… »

- « Assurément, Rozenn la guérisseuse est une bilieuse, mais serait-elle aussi avisée et matoise pour ourdir une telle machination, telle que vous l’entendez Monsieur l’Abbé ? Il nous semble que si elle est coupable elle ne peut en être la seule… intervient le Bourgmestre. Cette manigance demande malveillance, fourberie et moult réflexion. Mais pour ce qui est de la réflexion, cela ne peut point être de son fait. Qui aurait pu manigancer cette cabale et se servir de la haine de la guérisseuse pour perdre l’étrangère ? Quant à cette dernière… Peste soit de la drôlesse… Pardon Monsieur l’Abbé… C’est une fort jolie personne et beaucoup aiment la regarder… Elle a une façon de bouger, de se déplacer… Hum, hum… Elle vient du pays des Punigans, elle a charmé et fait chavirer beaucoup de cœurs parmi nos concitoyens même si nous n’en avons aucune preuve. De là à dire que c’est une sorcière ? D’après les dires de Rozenn la guérisseuse, elle pratiquerait des rituels sataniques aux clairs de lune ? … Je ne l’ai point vu faire ce qui lui est reproché là.  Il eut fallu la reprendre à forfait pour en être sûr. Assurément, on la voit souvent avec des enfants, mais de là à occire deux innocents ? Une sorcière ! Criaille la Rozenn… elle assure qu’Enora l’étrangère a des dons malins et qu’elle a manipulé ces deux enfants, qu’elle connaissait du Pays du Punigans aisément, pour les faire sortir le soir de la maison des parents. Cette hypothèse me paraît trop tirée par les cheveux … Je n’en vois pas la raison, et… »

- « Si je puis me permettre Monsieur le Bourgmestre, coupa l’Abbé Tancrède, j’aimerais… Je m‘interroge beaucoup sur cette dénommée Enora. Je vous rappelle : Elle aguiche l’homme. Nous savons d’où elle vient, comme vous l’avez dit, mais nous ignorons pourquoi elle a quitté son pays et ce qu’elle est venue faire ici. C’est tout de même une jouvencelle bizarre… une diablesse pour moult d’entre nous. Ses yeux ! Rozenn n’a pas tout à fait tort quand elle dit que ses yeux ensorcellent. Un œil vert et l’autre jaune, les yeux du diable, je concède. Elle parle une drôle de langue quand elle pratique ses soulagements, on pourrait croire qu’elle prie, mais elle prie qui ? Elle fait beaucoup de mystères sur ses connaissances des plantes. Une prêtresse de Satan ? Une sorcière qu’on devrait passer à la question ? Elle célèbre peut-être des messes noires. Ce qui expliquerait les deux enfants immolés. Cela s’était fait au pays des Purigans, vous le savez bien… Et d’où vient-elle ? Même si elle n’en fut jamais accusée ? J’ai fui ce pays, vous le savez, Monsieur le Bourgmestre et c’est sur votre demande que je suis venu en votre pays. Je ne pouvais plus supporter ces mécréants, sorciers et suppôts de Satan qui n’avaient aucun remord et repenti. Attendez, ne m’interrompez pas Guerarht… Vous me direz qu’elle était ficelée et enfermée depuis le premier meurtre… Oui... Mais si elle est, ce que moult d’entre nous semblons croire, elle aurait le pouvoir de se détacher et peut être même d’être à plusieurs endroits en même temps. Yann le berger la dit sorcière, il la maudite et accusée de sorcellerie l’autre jour devant témoins. Tescelin l’apothicaire et Gaïda son épouse sont, eux aussi, du pays des Punigans, je vous le rappelle. Ils se connaissaient là-bas, je les ai vu plusieurs fois ensemble et parler en catimini... D’aucuns parmi ces gens ne venaient en prières et à confesse. La Enora n’est point baptisée et refuse mes offices… »

- « Je suis veilleur de nuit et je suis au fait de bien des tracasseries et chamailleries entre bourgeois et petites gens, intervint Guerarht. Je peux vous éclairer sur certaines alliances et conflits en nos murs… Des jolis cœurs à faire la cour à la belle Enora, il y en a moult… Des jouvenceaux, mais aussi des hommes et des hommes mariés même… Mais elle ne répond à aucune demande d’aventure amoureuse. Vous dites, Monsieur le Bourgmestre, ne pas voir en la Rozenn la coupable, il en est de même pour moi. C’est une méchante femme, jalouse de surcroit, mais elle n’aurait su organiser une telle machinerie, peu intelligente qu’elle est. Pour ma part, c’est la Gaïda, la femme de l’apothicaire qui me paraît la bonne coupable, je la surveille depuis longtemps. Tout le bourg sait qu’elle n’aimait pas les deux garçons, issus du premier mariage de son mari. Une vraie marâtre !  Ils sont arrivés au bourg, sur votre demande Monsieur le Bourgmestre depuis plus d’un an, juste après l’arrivée de la dénommée Enora, un peu avant votre venue Monsieur l’Abbé. Nous ne connaissons rien de leurs passés ; pareillement pour vous Monsieur l’Abbé. Le pays des Punigans est bien loin... Vous êtes très discrets. Tescelin et sa famille ne se sont jamais vantés de connaître la Enora… ni vous, Monsieur l’Abbé… »

- « Que voulez-vous dire ? Questionna l’Abbé Tancrède fâché.

- « Tout le monde, au village savait que la Gaïda n’aimait pas ses beaux-fils reprend Guerarht faisant fi de l’interruption de ce dernier. La méchante favorisait outrageusement ses propres filles Pernette et Guillemette. Elle menait la vie dure aux jeunes Ronan et Guérande. Elle les corrigeait en les faisant dormir dans la soupente par tous les temps. Et ce pour des menues sottises que tous garnements de leur âge font. Pernette nous a même raconté, tout à l’heure, la dernière correction que Guérande a reçue de Gaïda, quand il a cassé son flacon de parfum en verre d’Italie.  Après la raclée, elle lui aurait même dit : « Toi aussi tu mériterais de disparaître. » Et puis, eux disparus l’officine reviendrait aux filles. C’est une bonne raison pour tuer… »

- « Je n’ai pas le droit de vous dire tout ce que je sais, reprit l’Abbé jetant un regard noir vers le guetteur de nuit, mais je peux toutefois vous informer de certaines rumeurs, confirmées par moult propos entendus par ci par là et rapportés par nos concitoyens… Les confessions, je les tairai. Au village les langues vont bon train, il semblerait qu’entre Tescelin et Gaïda le torchon brûle et ce de la faute de la Enora.

- « Ah ? Cela m’… nous était inconnu dit le Bourgmestre. Bien entendu, Monsieur l’Abbé, nous ne vous demandons pas de trahir le secret du confessionnal. Tescelin a confirmé les propos de la petite Pernette, il a admis que Gaïda, son épouse était très sévère et même parfois très injuste envers ses fils ; comme vous le soulignait Guerarht. Mais, comment aurait-elle pu faire pour faire sortir les enfants le soir et les amener sur l’étang sans que son époux se rende compte de leurs absences…

- « Dans l’apothicairerie, elle avait de quoi endormir l’Homme et droguer les jeunots sans peine… » Coupa Gerarht le veilleur de nuit.

- « La Gaïda peut être la meurtrière, tout comme la Rozenn et même la Enora ! Ah ! Ces gueuses, elles sont l’œuvre du D… » Ragea l’Abbé Tancrède.

- « Oui, peut-être, mais… Croyez-vous vraiment ?... Je ne sais plus, j’hésite. Comment une femme pourrait faire de telles horreurs ?  Et, pourquoi pas un homme, un jaloux. Un homme rejeté qui voudrait se venger ? Un homme intelligent, machiavélique et qui connaît la nature humaine. Que pensez-vous de Yann le berger ? Lui aussi aurait pu avoir une raison ? » Intervint de nouveau Guerarht.

- « Développez votre nouvelle idée Guerarht… Un homme ? » Lui demanda le Bourgmestre

- « La Rozenn, nous crie sa jalousie envers Enora parce que Yann le berger, son ancien amant, l’avait abandonnée pour faire la cour à Enora, mais elle nous a dit que cette dernière s’estimait trop bien pour lui et qu’elle l’avait rejeté. Yann aurait pu être furieux de ce refus et vouloir se venger de l’étrangère qui l’a bien ridiculisé. Je vous rappelle, l’accrochage à la fête pastorale quand Enora n’a pas voulu danser avec lui et l’a repoussé vertement. Il disait à qui voulait l’entendre qu’elle était une ribaude, une dévergoigneuse. Il a même promis qu’il saurait lui faire payer cet affront. Un homme bafoué devant tous ses amis peut devenir un terrible ennemi. De ce jour, il la traite de sorcière, j’ai ouï dire qu’il veut renouer ses liens avec la Rozen mais que cette dernière s’y refuse. Je vous rappelle aussi que c’est lui qui a ramené le corps de Guérande et il était là aussi parmi les premiers à découvrir le corps de Ronan. C’est un solitaire, il vit à l’extérieur du bourg et n’y vient que rarement. Tout berger qu’il est le Yann est un homme très intelligent, il écrit et lit. On dit au village qu’il est bizarre avec les femmes. Alors pourquoi pas lui ?

- « Tuer des enfants, pour se venger du rejet de la Enora, vous y pensez sérieusement Guerarht, c’est diabolique. Hum, vous dites qu’il était jaloux et vexé… Nous savons où peuvent nous mener de tels sentiments… Mais, il reste toujours cette question comment aurait-il fait pour attirer les enfants dehors et pourquoi eux ? » Demanda le Bourgmestre.

- « Ce dernier vit à l’orée du bourg avec ses moutons et brebis ; effectivement il est intelligent c’est un excellent conteur et musicien, il ne ressemble à nul Conogan. Nous faisons appel à lui pour agrémenter nos veillées et nos fêtes. Tous les enfants l’aiment et s’accrochent à ses basques pour aller voir ses agneaux. C’était facile pour lui d’inciter Ronan et Guérande à sortir en cachette le soir, il pouvait les amener chez lui, sans problème. La bergerie n’est point loin de l’étang, on ne la voit pas de la grande rue. Pourquoi eux… ? N’est-ce pas avec Tescelin l’apothicaire que Yann a eu une altercation cet hiver au sujet des enfants, d’un enclos mal fermé et de bêtes fugueuses et tuées par les loups ? Vous savez un homme bafoué, comme dit Guerarht, peut être prêt au tout pour se venger ; un homme qui perd la moitié de ses revenus peut aussi vouloir châtier ceux qu’il estime coupables.  Il aurait fait cela sachant qu’Enora serait suspectée et condamnée sans appel d’autant qu’il savait que la Rozenn serait de son côté pour colporter des médisances et accusations. Connaissant l’intolérance de nos concitoyens, il tenait là sa vengeance… Il fait lui aussi un parfait suspect » concèda l’Abbé Tancrède.

- « Ne nous précipitons pas… Hum… Etant votre bourgmestre je me veux éclairé et… Nous serons sages et juste comme Salomon. Point de nouvelle erreur ! Coupa Kilian Guézennec le Bourgmestre. Nous voilà bien marris avec ces deux meurtres et ces quatre suspects. Nous devons trouver le ou les coupables et punir. Mon honneur de Bourgmestre est engagé. Fils et petit-fils des honorables bourgmestres qui m’ont précédé à cette charge, nous en faisons le serment. Il suffit pour aujourd’hui.

Demain, nous écouterons ceux qui voudront témoigner dans cette affaire. Soyons habiles pour mener nos investigations et sachons écouter pour découvrir où est la vérité. Allons, il est tant d’aller se reposer. Une bonne nuit pour éclaircir nos idées, voilà ce que nous avons tous trois besoin, s’il nous vient une idée on pourra toujours en discuter demain avant de commencer les auditions. Au fait, Monsieur l’Abbé Tancrède, lors de vos prêches aux matines, vous signalerez à vos paroissiens que nous restons à leur disposition toute la journée, tous les trois, pour recevoir leurs confidences. Nous nous retrouverons donc, ici, juste après les matines. »

Le matin suivant, à l’heure et lieu du rendez-vous Kilian Guézennec le bourgmestre et Guerarht le veilleur de nuit attendaient impatiemment la venue de l’Abbé Tancrède. Ils ne pouvaient entendre personne sans sa présence. Kerrian l’aubergiste était là, exaspéré par cette attente désireux de raconter ce qu’il savait et voulant partager ses suspicions. Soudain, la lourde porte de la salle d’audience s’ouvrit, claqua contre le mur et l’Abbé Tancrède fit une entrée fracassante.

- « C’est Erwan, il m’attendait à la fin des matines. Au niveau de la nef centrale vidée de mes ouailles ; il était là comme un fou à gesticuler et vociférer. Il a refusé de venir vous voir. Il criait : « c’est moi, je vous dis que c’est moi » et quand je lui ai demandé des explications, il m’a avoué qu’il était le coupable que c’était lui qui avait assassiné les deux enfants. Cette horrible scène a eu lieu hors du confessionnal, c’est pourquoi je peux vous répéter ses propos. »

- « Comment ? Erwan ? Erwan le forgeron ? Mais je ne comprends pas… Il a avoué ? Où est-il ? lui demanda Guerarht

- « Il m’a avoué son double crime pour se venger de Tescelin l’apothicaire et par la même occasion de la Enora… »

- « Mais pourquoi ? » s’écria le Bourgmestre. Je ne peux… Nous…

- « Il voulait punir Tescelin, m’a-t-il dit. C’était de la faute de celui-ci si son fils Grunwal est mort l’automne dernier. Ne pouvant pas le payer pour les remèdes contre la fièvre et la toux, ce dernier lui avait refusé les médecines qui auraient pu le guérir. Erwan adorait son fils, c’était son unique enfant et la disparition de celui-ci méritait des représailles : Deux fils pour un fils, pour son Grunwal. Il voulait châtier aussi d’Enora qui n’avait pas su le guérir malgré toutes les prières et potions de cette dernière. Elle se prétendait guérisseuse… Elle avait sauvé d’autres enfants de cette maudite fièvre… Elle avait négligé son fils… Il en était mort. En tuant les fils de Tescelin, il se vengeait de l’apothicaire et par la même occasion il condamnait Enora car il savait que les gens du pays ne lui pardonneraient pas d’être l’étrangère la soupçonnant de sorcellerie.  Il courait des bruits au bourg sur ses appartenance au monde des sorciers voire du Malin. Il avait même réussi à manipuler la Rozenn pour déclencher la chasse à la sorcière. »

- « Mais où est-il ? Vous ne l’avez pas laissé partir, il faut l’arrêter ! Guerarht…

- « Inutile, il s’est donné la mort. Je vous dis, il était comme possédé… Il est dans la nef de l’église, à l’endroit même où il m’a avoué ses meurtres, il s’est saisi de son coutelas et se l’est planté dans le cœur, disant qu’il allait rejoindre son Grunwal. Je n’ai rien pu faire pour l’en empêcher… Je suis venu aussitôt vous informer… Allons, là-bas et vous verrez par vous-même. » Repris l’Abbé Tancrède.

- « Allons-y ! J’ai du mal à y croire, jamais je n’aurais suspecté Erwan le forgeron, je le connais depuis si longtemps. Nous avions quatre suspects et ce n’était aucun d’eux ! Erwan, mon ami d’enfance... Je savais qu’il avait beaucoup souffert de la perte de son fils unique, sa femme n’était plus là pour le raisonner, elle a perdu la tête depuis le décès du fils… Mais de là à tuer deux innocents. Je n’ai rien vu, rien deviné, se lamentait Guerarht. Il va falloir l’annoncer à sa femme, la pauvre… Qu’elle comprenne. Elle est toute seule maintenant, Monsieur le Bourgmestre ; je vous laisse cette triste besogne. »

Le Bourgmestre intima l’ordre à Kerrian l’aubergiste de les suivre discrètement, pour ne pas alarmer les habitants. Les quatre hommes entrèrent dans l’église et trouvèrent le corps d’Erwan où l’Abbé Tancrède l’avait dit. Son corps gisait dans la nef centrale, exactement au niveau du transept, à quelques pas du chœur où enfant il avait servi la messe. Il était couché sur le dos, son coutelas planté dans la poitrine. Il baignait dans une flaque de sang. Guerarht se signa et se pencha sur lui, il put constater qu’il était bien mort.

- « Que cela finisse comme cela, nous voilà bien satisfaits. Condamner quelqu’un de chez nous au bûcher, même si de tels actes ne méritent aucune mansuétude, nous en étions marris. C’est la justice divine qui a guidé sa main et mis un terme à sa vie. Allons annoncer à tous les habitants que le cauchemar est fini et que le coupable a payé. Guerarht, demandez de l’aide pour enlever le corps et faire disparaître toutes traces de cette horreur. J’essaierai de faire comprendre à sa pauvre femme ce qu’il s’est passé. Il va falloir faire quelque chose d’elle et trouver un autre forgeron prestement. Je suppose Monsieur l’Abbé que son corps sera donné en pâture aux bêtes sauvages ; il ne mérite point de sépulture chrétienne. 

Après la dernière messe, dans la sacristie, l’Abbé Tancrède satisfait du dénouement se servit un verre de vin de messe et le leva comme pour boire à la santé de quelqu’un. Il déclara joyeusement :

- « Dommage pour toi Erwan le forgeron. Tu avais vu certaines choses de chez toi ou de ta forge et tu avais tout deviné. Toi, le Tescelin tu n’oseras plus parler maintenant… Il te reste encore deux filles… Et toi la belle Enora, tu ne perds rien pour attendre.

Ce soir-là, le pays des Conogans s’endormit en toute quiétude.

 

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Personnages de la nouvelle :

  • Yann le berger
  • Kerrian l’aubergiste
  • Erwan le forgeron
  • Tescelin l’apothicaire son épouse Gaïda

Ses enfants : Ronan et Guérande – Perrette et Guillemette (demies sœurs)

  • Guerarht le veilleur de nuit
  • Per : le fils du veilleur de nuit
  • Alan  le pelletier
  • Enora : la guérisseuse venant du Pays des Punigans
  • Rozenn : la guérisseuse du Pays des Conogans
  • Soléna : sœur de Rozenn
  • L’Abbé Tancrède
  • Kilian Guézennec le bourgmestre
  • Grunwal : fils de Erwan le forgeron

 

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N
Belle chute pour cette histoire! On est presque déçu lorsque l'on apprend que c'est Erwan le forgeron le coupable, personnage que l'on a peu vu et donc la révélation finale de l'abbé pour nous seuls lecteurs est d'autant plus efficace. Cette deuxième partie est bien menée. J'ai apprécié la mise en scène. Il est possible de visualiser les protagonistes avançant leurs hypothèses avec leurs à priori sur les personnes du village, on les sent sur leurs défensives et possiblement menteurs. Quand on relit le texte une seconde fois, on peut remarquer l'aspect manipulateur de l'abbé. Tu as réussi un texte à suspens et intrigue dans un format court et c'est bien!
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