3 Avril 2023
Un nouveau villageois fraichement retraité
Se piqua de faire un potager.
Il acheta maints livres et magazines
Beaucoup d’outils et des machines.
Il avait quitté sa campagne natale
Depuis sa jeunesse, et tout oublié à la capitale.
Convaincu que tout est possible, habitué au confort de la ville,
Il se mit à l’ouvrage et paria que se serait facile.
Il fit des promesses à son entourage
Tel un jardinier féru, d’un bel étalage.
Un hasard lui fit rencontrer un paysan au fait,
Qui depuis belle-lurette jardinait.
Il dut réapprendre ce qu’il avait oublié
Dans sa hâte de vivre, et tout recommencer.
Qui va te prendre tout ton temps
De février à novembre,
Tu n’auras pas de répit, il faut t’y attendre.
Qui écouta, distrait, sûr de ses lectures et de ses outils,
Pas besoin que je m’échine !
Le paysan rit sous sa moustache
Et le mit à la tâche :
Pas une saison sans binage, bêchage ou arrosage,
Pas une saison sans ramassage, arrosage ou nettoyage,
Pas une saison sans arrosage, ratissage, ou buttage,
Pas une saison sans arrachage, arrosage ou sarclage.
Puis arriva, radieux le mois d’août,
C’est là que l’apprenti eut des doutes.
Quand le vieux jardinier assena le coup de grâce :
Pas de vacances ! Préparons les paniers,
Tant de jours travaillés et de sueur !
Tant d’efforts et pas de faveur !
Pour te remplir la panse, tu es comme Crésus,
Alors dans une colère bien juste et méritée,
Le vieux jardinier s’insurgea et déclara sans ambiguïté :
C’est bien ça de lire les emballages
Qui vous font croire que les étalages
Se pourvoient seuls et des hommes nécessitent peu d’efforts.
Vous pensez que la nature est un coffre-fort.
Vous utilisez l’argent comme une clé
Sans sourciller, pour la nature piller.
Quand vous aurez laissé la Terre
Brûlant sous le soleil, nue comme un ver,
Et que seul votre argent somnifère
Sera devenu roi de l’enfer,
Alors, vous pourrez essayer de goûter
Les fraises en juin souhaitées.
Elles n’existeront plus,
Tant vous vous serez des ressources repus.
Seul votre argent restera
Pour combler votre estomac.
Avec lui, vous aurez beau crier en l’air,
Plus de fraises, tomates ou courgettes en hiver,
A volonté, tant vous aurez sacrifié le labeur
Pour brûler la chandelle à un ultime bonheur,
Afin de mieux profiter de tout
Sans vous courber et sans abimer vos genoux.
Ainsi donc va le progrès qui nourrit les hommes d’exigence,
Leur ferme les yeux et les pourvoit d’inconscience,
Les rend vaniteux au point d’oublier d’où ils viennent,
Et leurs ancêtres qui avaient appris à semer les graines.