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desmotsdebrie

Atelier d'écriture créative, écriture partagée, en groupe, littérature, poésie, nouvelles, apprentissage techniques d'écriture,exemples de contrainte d'écriture

Le Scarabée

Episode 4

Episode 4

Laisser Milla et Maïa fut une décision très dure à prendre pour Simétra qui s’est beaucoup attachée à elles. Cependant elle sait qu’elle devait partir de ce monde qui n’est pas le leur. De plus elle est impatiente de retrouver Erina sa mère et La Grande Berthilde. Quand les deux jeunes filles se remettent de leur pâmoison la puissante odeur de la myrrhe et de la fleur d’oranger est toujours présente, mais une forte senteur de terre s’y ajoute et les surprend. Une chaleur sèche inhabituelle les entoure et les fait suffoquer. Artémis et Simétra se retrouvent dans une déconcertante pièce cubique étriquée. Un flambeau maintenu dans un trépied de bois éclaire les parois aux dessins troublants, hauts en couleurs et de toute beauté. Elles admirent des personnages singuliers dont certains ont des attitudes étranges, certains même portent des masques d’animaux. Une multitude de signes gravés dans la pierre entourent ces êtres comme pour raconter leur histoire. Soudain elles sursautent, une voix derrière elles les apostrophe :

-    Enfin, vous voilà… vous êtes revenues… Mais qui êtes-vous ?

Surprises, elles se retournent. Les deux jeunes femmes découvrent devant elles un individu au crâne rasé, aux yeux maquillés et portant des vêtements insolites. Une longue tunique blanche, en tissu translucide, à une seule bretelle et une peau de bête tachetée l’habillent. Cette dernière le ceint de l’épaule droite au flanc gauche où elle pend jusqu’à mi-jambe. Le tout est maintenu à la taille par une riche ceinture de cuir brodée d’or et de pierres multicolores. Une large manchette d’or garnie de pierres bleues entoure son poignet gauche et un collier de pierres bleues, vertes et rouges avec un lézard en pendentif flotte à son cou fripé. A ses pieds de simples sandales de bois ; elles claquent sur le sol quand il s’approche d’elles.

-    Qui êtes-vous ? Vous n’êtes pas Berthilde, ni Erina… 

-  Berthilde ? Erina ? Vous les connaissez ? Qui êtes-vous ? Vous parlez notre langue ? Questionne Artémis.

-    Vous ne m’avez pas répondu ? Comment osez-vous m’interrompre… Ignorez-vous qui je suis… Impertinentes !  Reprend-il contrarié.

-    Pfeu… Vous entendez et jacassez notre parler ? Pourtant vous ne…

-   Erina et Berthilde m’ont appris leur dialecte. Comment êtes-vous arrivées ici ? Vont-elles vous rejoindre ? Qui êtes-vous ?

-     Bien des questionnements de votre part, mais point de réponse aux nôtres, réplique Artémis.

-    Je suis Simétra ; la cadette d’Erina la guérisseuse, intervient Simétra d’une voix douce pour tempérer les humeurs de leur interlocuteur.

-    Moi, je m’appelle Artémis… L’aînée d’Erina, bougonne la rouquine.

-    Ptahmensat, je suis Grand Prêtre… 

-   Prêtre ? Je doute que ma mère veuille s’acoquiner avec des exaltés de la pénitence, s’écrit Artémis.

-  Vous avez de qui tenir, Aissu, avec votre nature violente, vous êtes tout aussi rousse et insupportable que votre mère… Ça suffit… J’aimerais bien entendre votre histoire… Racontez-moi votre bonne ou mauvaise fortune. 

Simétra lui raconte patiemment leur vie avec la Grande Berthilde et Erina leur mère. Elle lui confie leurs envies de découvrir le monde et leurs deux odyssées précédentes, apparemment dans une époque et un lieu différents. Elle l’assure qu’elles ne font que passer et que leur unique souhait est de retourner au plus vite dans leur monde.

  •  Et vous Sieur Ptahme…  Dites-nous où nous sommes, de grâce ?  Demande cette dernière.
  • Ptahmensat, Ptah-men-sat ! Jeune insolente ! Vous êtes au Pays du Limon Noir, Kémet. Notre soleil, notre roi se nomme Amontouhotep de la XVII dynastie et nous sommes dans sa troisième année de règne. Il n’en aura pas beaucoup d’autres : Il est faible et ennemis ou envieux se bousculent au palais. Vous êtes dans son futur tombeau. Je viens régulièrement ici pour superviser les travaux. Aujourd'hui je contrôle les accès et les futures portes qui mureront à jamais ces lieux. Seuls les vrais fidèles de notre Soleil, ses ouvriers et sa garde personnelle connaissent ces lieux. Je ne vous en dirai pas plus. Sortons maintenant. 

Tenant le flambeau d’une main Ptahmensat les précède en leur expliquant ce qu’elles voient ou plutôt devinent des fresques. Les deux jeunes femmes remontent un long couloir en pente douce.  Les parois verticales et le plafond sont magnifiquement décorés et plusieurs petites chambres s’ouvrent sur chaque côté de la galerie. Intriguées elles questionnent le Grand Prêtre sur le but de ces espaces.

  • Ce sont des pièces annexes destinées à recueillir le matériel funéraire, les biens personnels de notre Soleil et les cadeaux de ses sujets. Tous ces objets permettront à notre défunt roi de vivre près des Dieux. Les accès à ces chambres vont être obstrués…
  • Pfeu, vivre près des Dieux, foutaise ! Vous, les Prêtres vous nous promettez tous un au-delà ; un paradis ou un enfer pour nous faire peur, nous asservir et nous demander un lourd tribut. Et vous, prêtres et rois, vivez au dépend du peuple, ronchonne Artémis.
  • Je crois entendre la Grande Berthilde. Quel caractère irascible roumi Artémis. Vous voilà encore emportée et irrespectueuse. Taisez-vous ! Avançons prestement, réplique Ptahmensat. Nous voilà dans la chapelle, prenons maintenant ce long couloir, il fait plus de 400 coudées royales. Admirez ces magnifiques peintures et bas-reliefs, ils représentent des scènes de la vie quotidienne du peuple, des nobles, des prêtres mais aussi de la famille royale. Vous pouvez remarquer également des tableaux de bataille et de chasse. Notez toutes ces plantes et animaux. Merveilleux n’est-ce pas ?

 Bouche bée par tant de magnificence elles ne peuvent qu’acquiescer.

  • C’est magnifique !  Quelle merveille ! admet Artémis. Où allons-nous ? J’aperçois de la lumière et l’air devient de plus en plus lourd et étouffant…
  • C’est horrible, Artémis, cette sensation de brûlure, l’air est rempli de poussière. Ce couloir est immense…
  • Il y aura des portes, d’énormes roches glisseront et fermeront l’issue à la chapelle, isoleront les pièces annexes avec leurs trésors et la salle funéraire avec le corps de notre Soleil, le moment venu. Tout est entrepris pour décourager les pilleurs. Ainsi Amontouhotep vivra un repos éternel. Nous sommes arrivés aux deux portes, à l’entrée de l’hypogée. Des gardes surveillent les abords, j’aimerais que vous vous taisiez. Baissez la tête et mettez quelque chose pour cacher vos cheveux. Deux roumis femelles ! Il en va de votre survie… Je dois me rendre à Thèbes pour consulter mon Soleil et le renseigner sur l’avancée des travaux. Je dois aussi contrôler les puits sur notre bon génie Hâpî… prévoir la grande crue. 
  • Nous vous accompagnons ? Demande Artémis.
  • Bien entendu, je ne vais pas vous laisser là, vous allez encore m’inventer une supercherie et disparaître… Je veux vous avoir sous la main.
  • C’est quoi cette histoire de puits, de génie Hâpî et de grande crue ?  Questionne Artémis curieuse.
  • Comme toujours, cette curiosité, vous êtes bien pareille à votre mère, vous demandez mais ne donnez rien. Votre sœur est plus discrète… Mais je suppose qu’elle note tout dans sa jolie tête…
  • Pfeu, de quoi vous plaignez-vous, la Grande Berthilde et Erina vous ont appris notre parler, non ? Rétorque Artémis impulsivement.
  • Moi je leur ai enseigné le grec et l’hébreu, je leur ai fait découvrir une certaine médecine et je les ai initiées à l’astrologie… 
  • Cette histoire de grande crue, qu’en est-il Grand prêtre Ptahmensat ? Interroge Simétra.
  • Aujourd’hui nous sommes en Akhet, l’été pour vous. Exactement le 1er jour de Thot ; l’étoile de Sothis se lève dans le ciel après avoir été invisible 70 jours. Elle annonce le débordement de notre fleuve, Hâpî, comme tous les ans. Je dois surveiller la montée des eaux dans les puits construits sur le cours de celui-ci afin de prévoir comment sera cette crue. Elle peut être suffisante et propice aux récoltes ou insuffisante ou encore trop abondante. Dans ces deux derniers cas ce serait catastrophique pour nos prochaines récoltes. En fonction de mes constatations, nous pourrons envisager les travaux à entreprendre pour irriguer les champs ou construire des digues. Nous organiserons aussi les corvées de nos paysans…
  • Ben voilà ! On y est ! Des corvées pour le petit peuple… Intervient Artémis rudement.
  • En quoi cette crue est si importante pour vous ? Je ne comprends pas, coupe Simétra désireuse d’apaiser l’ambiance bouillonnante entre ses deux compagnons.
  • Hâpî vient des terres lointaines chargé de bienfaits. En débordant sur les terres sableuses, il dépose ce limon noir qui enrichit celles-ci et qui… Mais que se passe-t-il ? Pourquoi cet attroupement et ces gesticulations s’écrit-il en sortant du souterrain. Restez ici… Ordonne-t-il, Pour votre sécurité… S’il vous plait. Il leur tend le flambeau et se précipite vers la foule.

Devant la fébrilité des individus armés Artémis et Simétra s’inquiètent et préfèrent obéir à Ptahmensat. Une vingtaine de soldats lourdement armés s’avancent vivement vers le Grand Prêtre en vociférant ; ils l’entourent et parlementent longuement avec celui-ci qui semble affligé. Les deux jeunes filles ont du mal à supporter l’atmosphère pesante et brûlante qui les assomme. De la poussière âcre et brulante en suspension dans l’air leur colle au visage, leur rentre dans le nez et crisse sous leurs paupières brûlées par cette chaleur insupportable. Elles reculent pour se mettre à l’ombre. Ptahmensat se retourne, les regarde longuement et revient vers elles. Il leur dit :

  • Il est arrivé un grand malheur, notre Soleil est mort dans la nuit, on parle même d’assassinat, il faut que j’aille au plus vite à Thèbes pour savoir ce qui s’est passé et pour… Vous devez rester ici, retournez à la salle funéraire et attendez-moi. Simétra, tâchez de contrôler votre impétueuse sœur, je vous pense plus raisonnable qu’elle…
  • Pfff, que m’importe ce que vous pensez de moi… Nous venons avec vous…  Réplique Artémis.
  • N’insistez pas. C’est trop dangereux… Avec cette histoire d’assassinat, les esprits sont échauffés et on n’est plus sûr de rien… 
  • Mais… 
  • Il n’en est pas question ! Certains proches de notre Soleil n’attendaient que sa mort pour prendre sa place ; alors un petit coup de pouce pour aider le destin… J’ai demandé qu’on m’apporte de l’eau et de la nourriture, ce sera pour vous… Voilà, tenez, prenez ce sac et partez vite vous cacher. Je viendrai demain soir vous rechercher. Attendez-moi. Si je ne peux venir je vous dépêcherai un homme de confiance que vous devrez suivre. Il saura où vous amener. Il devra vous montrer le même bracelet que celui-ci mais avec des pierres vertes dit-il en enlevant sa manchette en or. Seth et Osiris seront là pour vous protéger. Cachez-vous, retournez dans la salle où nous nous sommes rencontrés. Simétra, je peux compter sur vous ?
  • Merci Grand Prêtre Ptahmensat. Nous vous attendrons, promet Simétra.

Artémis et Simétra s’engouffrent dans l’hypogée, suivent le chemin inverse pour arriver à la salle funéraire où elles s’installent confortablement pour attendre le retour de Ptahmensat. Elles se désaltèrent en buvant une eau tiède au gout de terre, elles dégustent des fruits inconnus séchés et très sucrés qui les requinquent. Le temps s’écoule lentement, aussi, curieuses, elles se lèvent et à la timide lueur de la torche elles examinent de près les gravures peintes sur la pierre. Elles admirent la précision des sculpteurs, le travail minutieux des peintres et la richesse des couleurs. Leurs mains caressent les personnages énigmatiques. Le même individu est souvent représenté. Il est vêtu d’un simple pagne, porte un haut bonnet blanc entouré d’une couronne rouge. Un magnifique et très large collier de pierres précieuses sûrement, couvre son torse et ses mains tiennent une crosse et un fouet. Il est entouré d’individus de grandes tailles qui portent de drôles de coiffes à l’effigie d’animaux qui leur sont inconnus. D’après le Grand prêtre, c’est leur roi, leur Soleil avec ses frères Dieux.

  • Ne devrions-nous pas rester un peu ici ? demande hésitante Simétra. Nous avons beaucoup à apprendre de cet homme et cela pourrait nous être bien utile quand nous reviendrons au pays, ajoute-t-elle malgré son impatience à revenir à Ay-Uhel.
  • Tu as raison, nous allons l’attendre et comme avec la Grande Berthilde et mère, il va nous enseigner les secrets que certains de nos contemporains gardent pour eux, acquiesce   Artémis.

La cadette s’agenouille pour voir de plus près les signes étranges qui abondent sur les murs, elle aperçoit un petit cercle proéminent dans lequel est sculpté un scarabée entouré d’inscriptions insolites. Étonnée par la présence de cet insecte, elle l’effleure, le sent osciller et s’en saisit pour qu’il ne tombe pas. Soudain, elle se sent envahie par une douce torpeur. L’atmosphère autour d’elle s’alourdit, inconsciemment, elle se met à murmurer l’incantation habituelle qui provoque leur passage dans d’autres mondes. Artémis sursaute de surprise, la rejoint prestement, pose également sa main sur la médaille et leurs deux voix s’unissent pour s’élever :

« Anseo t’aimid ah breacadh pesan lae

    Huung-wïa-ké- yé-ka-haaang …»

L’odeur de myrrhe et de la fleur d’oranger survient, le brouillard envahit la salle, la déflagration accompagnée d’un éclair les aveugle, les ébranle à nouveau et les fait défaillir.                                                        

A suivre

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