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desmotsdebrie

Atelier d'écriture créative, écriture partagée, en groupe, littérature, poésie, nouvelles, apprentissage techniques d'écriture,exemples de contrainte d'écriture

La Dame blanche

La Dame blanche

Je n’avais pas prévu cela, pourtant je me doutais bien qu’à les regarder tous vivre comme si de rien n’était, j’allais en baver.

En effet, la colère m’avait envahie. Je ne pouvais laisser passer cela.

Hier, j’aurais pu à la rigueur rejoindre leur dictat, n’étant pas au courant des griefs qu’ils jetaient à la face de la Dame blanche. Elle semblait responsable de tous leurs maux.

Mais aujourd’hui, après avoir entendu certaines versions, il n’en était plus question.

La curiosité les tenaillait, mais le courage leur manquait. La curiosité en soi n’est pas une chose indélicate, lorsqu’elle part d’un bon sentiment, mais ici, c’était une curiosité associée à la vengeance, limite lynchage en perspective.

Aussi, je décidais de prendre le taureau par les cornes et de me faire ma propre opinion. Je partis le jour à peine levé, vérifier les ragots des uns, les commérages des autres, la haine et le mépris… La chasse aux sorcières était révolue depuis des siècles, mais il restait encore des a priori tenaces.

Plus je m’enfonçais dans l’épaisse forêt, moins je me sentis rassurée. Commettrai-je une faute à vouloir vérifier par moi-même ? Dans mon esprit cartésien, les maux des uns et des autres étaient de simples coïncidences et aucunement la faute à la Dame blanche que les anciens avaient chassée de leur village. Sa beauté leur renvoyait en plein visage leur noirceur. De plus, la Dame blanche avait écarté les courtisans. Si bien que la jalousie entra en lice. Il suffisait d’un mot plus haut que les autres pour que le monde se rallie à son panache.

Il me sembla que je tournais en rond. Les chemins boueux n’étaient que des méandres interminables. Je vis une immensité plane où je pouvais me projeter optant pour le chemin de droite, celui de gauche ou bien encore aller tout droit. Voilà trois heures que j’errais dans cette nature luxuriante avec pour seule compagnie le chant mélodieux des mésanges charbonnières, des rouges-gorges, même du coucou au lointain.

 

Je commençais à regretter ma décision lorsque… Ouf ! Le chemin avait été long, mais enfin j’avais réussi.

La Dame blanche était là devant moi. Elle me parut austère à première vue, mais je découvris, au fil de notre conversation, qu’elle avait beaucoup de cœur. Elle se tenait droite telle une statue. Comme elle était belle, lumineuse. Sous son assurance perlait le qui-vive.

Impavide, elle me toisa des pieds à la tête. J’aurais aimé prendre assise sur ce grès, tant j’étais épuisée physiquement, mais n’osai bouger.

Aussi soudainement, qu’imprévisible il y a encore deux secondes, la Dame blanche leva son bras, et aussitôt la plante des pieds me brûla. Je serrais les dents, me crispais, la sueur perlait à mon front.

 

  • Je ne te veux aucun mal, lançai-je espérant l’amadouer, je suis venue en amie.
  • Tiens donc ! Depuis quand ai-je une amie, maintenant ?
  • Ne croit pas tout ce qui dit, rétorquai-je timidement tant je souffrais.
  • Tu parles beaucoup trop pour être sincère. Tu es comme les autres bien que je te fasse confiance. Repart d’où tu viens. Nous n’avons besoin de personne. Pourquoi danses-tu ?
  • La plante des pieds me brûle.

 

Elle éclata d’un rire aigu et strident. Elle releva le bras, baragouina des mots incompréhensibles de ma personne. J’entendis un craquement terrible. Je pris peur, littéralement paniquée. Que faire ? M’enfuir. Impossible, j’étais ancrée au sol. Puis comme par enchantement, le feu de mes pieds disparut et je puis me mouvoir.

 

  • Va, je te laisse la vie sauve parce que tu as eu le courage et la curiosité de venir à moi, mais surtout que les autres restent à leur place où mon courroux sera impitoyable.

Je retournais chez moi. Bizarrement en trente minutes j’étais devant ma porte. Les habitants me sautèrent presque dessus, m’assaillant de questions, exigeant que je raconte mon escapade. Comment était la Dame blanche, et cetera et cetera.

 

  • Je n’ai rien vu, ne l’ai pas trouvée. Je me suis perdue…

 

Je n’ai pas eu le temps d’achever ma phrase que tous me tournaient le dos se fichant de moi. Alors là, indifférence totale de ma part. En mon for intérieur, je savais la vérité et c’était le plus important à mes yeux.

Restait adossé à l’un des piliers du portail, Romain, un petit garçon roux au visage parsemé de taches de rousseur, le regard limpide à se noyer.

Je l’avais rencontré à maintes reprises. Nous nous disions bonjour sans plus. Ce jour, il sembla vouloir me parler. Il resta figé la tête penchée sur sa poitrine attendant que je vienne à lui. Il porta à sa bouche une nectarine qu’il venait de sortir de la poche de son pantalon aux genoux élimés. C’était de l’usure, de la belle usure, mais de la mode au prix exorbitant.

Je n’avais jamais vu de fruit aussi charnu. J’étais là devant lui silencieuse, le sourcil levé d’interrogation. Lorsqu’il releva la tête, le jus du fruit dégoulina de son menton et pour la première fois, il me sourit et :

  • Question menteuse, t’es pas mal !
  • Pardon !
  • Raconte des histoires aux autres, si tu veux, je m’en contrefiche, pas à moi. Je sais que tu l’as rencontrée.
  • Tiens donc, serais-tu devin ?
  • En voilà une idée saugrenue. Juste de la logique, chère amie, les semelles de tes chaussures étaient blanches à ton départ, à l’aube. Maintenant elles sont rouges. Pas mal d’ailleurs ! Un conseil, si tu veux revoir la Dame blanche, chausse-les. Tu auras moins de difficultés à la trouver.

Romain lança son noyau dans l’herbe sans autre forme de civilité que ça, puis les mains dans les poches, il se mit à siffler tout en marchant d’un pas alerte.

Il disparut brutalement de mon champ de vision à croire qu’il s’était désagrégé dans l’espace.

Je restais les bras ballants regardant les semelles de mes chaussures rouge vermillon. C’est vrai elles étaient plus jolies.

Désormais, moi aussi, je sus qui étaient mes véritables amis.

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Consigne d'écriture: à partir de phrases imposées, écrire un texte en utilisant toutes les phrases.

 

 

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