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desmotsdebrie

Atelier d'écriture créative, écriture partagée, en groupe, littérature, poésie, nouvelles, apprentissage techniques d'écriture,exemples de contrainte d'écriture

Suivre un cours avec passion

Suivre un cours avec passion

J’étais en licence à Créteil et j’habitais en Champagne Ardenne. Mes journées commençaient à 5h00 du matin et se terminaient vers 23h00, quatre jours sur sept, car à l’époque, comme encore aujourd’hui, l’université n’était pas accessible pour les gens de la campagne non véhiculées ou dont la formation demandée n’existait pas dans la région.

Pour aller en cours, je prenais la voiture puis le train corail puis le métro et je terminais à pied. 5h45 de transport auxquels s’ajoutaient des heures d’attente du train (et oui, de province, les trains sont peu nombreux !) pour parfois seulement 2 heures de cours, notamment celles du jeudi. Et le jeudi, j’avais cours de français avec M. GUION.

 Ce professeur était un plaisir à écouter ! Deux heures qui ne semblaient même pas être une heure, où aucune pause n’était demandée ! Un professeur qui ne donnait pas des réponses mais suscitait des questions… inlassablement… même une fois le cours terminé. Un professeur qui, doucement mais sûrement, démontrait que la langue française était une langue bien vivante, non figée, avec ses particularités régionales et sociales. Le groupe d’étudiants à qui il faisait face était multiethnique et donc chacun y allait de son savoir sur sa langue. Ce qui semblait des évidences pour certains était remis en cause par le vécu de l’autre. Un cours, lieu d’échanges… Un cours où personne n’avait tort mais où à personne il n’était donné raison !

A la question, comment écrivez-vous « pognon » ? J’étais persuadée de son orthographe P-O-I-G-N-O-N et d’ailleurs, je prononçais le son [wa] mais beaucoup ne l’écrivait pas ainsi car ils ne prononçaient même pas le son [wa]. Il fallait que j’attende de rentrer chez moi afin de trouver un dictionnaire pour valider ou pas ma croyance, soit souvent une attente de huit heures qui était interminable. J’essayais toutes les combinaisons possibles dans ma tête, puis à l’écrit dans le train corail. Mais parfois, je rentrais chez moi, et je ne trouvais pas la solution.

 Comment écririez-vous : cette tarte a l’air bon ou bonne ? « Bon » s’accorde avec « l’air » ou pas ? Que de questions laissées en suspens qui ne trouvaient pas forcément de réponse dans les manuels d’éducation !

Parfois, il donnait une réponse car l’Histoire la lui avait donnée. Pourquoi disons-nous « fromage » alors que la racine est « forme » (formaticus) ? Et il remettait ainsi en cause des croyances fausses ! Alors, je rentrais encore chez moi, en me disant qu’il devait s’être trompé… alors que j’avais la réponse, je continuais mes recherches avec obstination !

Je me souviens aussi du moment où je me suis retrouvée avec deux autres étudiants à prendre un café dans un bar avec ce professeur si particulier. Il avait remarqué qu’à 16h00, je ne me précipitais pas pour sortir de son cours. Et oui, le prochain train corail ne pouvant pas s’attraper avant 18h15, j’avais du temps… Il nous avait proposé de bavarder en terrasse autour d’un café. Nous avions parlé de tout, de rien, de nous et lui, très peu de lui, plus à l’écoute ou à ponctuer notre dialogue en soulignant nos particularités à sa façon.

Je l’ai maudit, lorsqu’à 14h00, j’étais dans le couloir en train d’attendre son arrivée alors que j’étais partie depuis 8h00 le matin et qu’il était absent. Mais le jeudi suivant, je revenais sans rancune. J’aurais bien pu recopier le cours grâce à un camarade mais écouter ce professeur, c’était déjà apprendre le cours qu’il donnait avec passion.

Aussi, il a été pour moi le professeur que je voulais être pour mes élèves, un messager, une personne qui vous apprend beaucoup de choses à votre insu. Il a su sans que je m’en aperçoive me faire travailler lorsque je rentrais chez moi, avide de vérifier ou compléter ses dires. Chaque étudiant a trouvé et pris dans ses cours ce dont il avait besoin. Il a été à l’image de son manuel scolaire de lecture où 5 pédagogies différentes sont proposées afin que l’élève se reconnaisse dans au moins une. Merci Monsieur GUION.

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Consigne d'écriture:

"Nous allons écrire un texte qui parlera d’un cours de français  de notre enfance (ou d’un  personnage inventé) dont chaque paragraphe de l’histoire se terminera par un mot qui rime avec notre prénom. L’histoire se déroulera à n’importe quel stade de l’école : primaire, collège, lycée.Le texte doit raconter une histoire. Les paragraphes ne doivent pas être trop courts et il doit y avoir une chute."

Notre auteure a préféré rendre hommage à son professeur: elle a donc rimé avec le nom de celui-ci et écrit un texte souvenir. En cela, elle a dérogé à la consigne, mais une consigne sert à guider l'écriture. L'hommage a reçu un écho de ma part: le souvenir de mon professeur de français en 1ère au lycée Henri Moissan de Meaux. Merci à Christelle pour ce beau texte.

Catherine

 

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N
Bel hommage à ce professeur qui t'a marquée. C'est écrit avec simplicité et par la même c'est touchant et permet l'évocation à chacun de son propre souvenir. On a tous en mémoire un enseignant qui nous a touchés! Cela fait du bien de s'en souvenir.
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A
Quel beau témoignage ! On a tous en tête au moins un/une professeure qui nous a marqué ainsi. J'ai beaucoup aimé ton texte, cette déclaration d'admiration et de remerciement.
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S
Un texte qui donne envie de retourner à la fac, et qui au moins nous fait repenser à certains profs formidables
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C
La peinture réussie d'un professeur qu'on aurait aimé approcher dans toutes les matières étudiées lors de notre scolarité. (Ecole primaire, Collège, Lycée pour moi) J'en ai rencontré quelques uns... Pas plus que les doigts de mes deux mains réunies... Mais quel plaisir d'avoir croisé leur chemin.
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