J'ai rencontré des mots...

Au fil des pages, j’ai rencontré des mots  que je connaissais bien. Ils étaient là, éparpillés au milieu des phrases comme des taches au milieu d’un tableau.

Ils n’avaient rien de mystérieux, ni redoutables ni  d’un autre temps. Ils n’étaient pas de ceux qui nous gênent ou nous plaisent. Ils étaient eux.

L’absinthe, jus d’une boisson maléfique aujourd’hui disparue était fluide, l’alezan impétueux sous sa crinière que j’imaginais flottant au vent, l’arc en ciel s’arquait à l’horizon sans fin.

Le café sentait bon, le canon de fusil m’évoquait un déclic.

Givré me faisait penser au froid déposé sur les végétaux et le lapis-lazuli au célèbre roman qui m’avait appris ce mot, tapi au fond d’un tombeau.

Marron glacé m’évoquait la chaleur à Noël et la paille, celle d’étés torrides.

A bien y réfléchir, je ne savais que faire de ces mots compte tenu du dernier qui me paraissait inopiné dans cette liste sans queue ni tête à première vue. Celui-là « souffre » avait comme un goût de soufre. Et alors, la liste s’imposa à moi dans toute sa splendeur et avec un pinceau plutôt qu’avec un stylo, je pouvais peindre une vue aux taches appropriées :

Vert pomme comme l’absinthe, roux brun comme l’alezan, multicolore comme l’arc en ciel, brun foncé comme le café, gris sombre et métallique comme le canon de fusil, bleu comme un matin givré, bleu profond comme le lapis-lazuli, marron comme le marron glacé, jaune tendre comme la paille et jaune clair comme le soufre.

J’avais rencontré des mots pour m’appendre à peindre moi qui ne sais dessiner qu’avec des mots...

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[REGARD Elisabeth]

Agréable "le Mur" en feuilleton