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desmotsdebrie

Atelier d'écriture créative, écriture partagée, en groupe, littérature, poésie, nouvelles, apprentissage techniques d'écriture,exemples de contrainte d'écriture

P.p3Y=Pigalle

Episode 8

Episode 8

Tout se passe comme prévu, le brouillard parfumé à la myrrhe et à la fleur d’oranger, la déflagration et l’éclair sont là. Le Mayflower, la mer et la plage bordée de dunes de ce « Nouveau Monde » se sont évanouis. A leur réveil, Artémis, Simétra et Mona constatent, étonnées que le brouillard perdure et qu’il est encore plus présent qu’auparavant. Il est lourd, mouillé et maintenant il sent une forte odeur qui s’apparente au fer avec une âcreté intense qui pique au nez. A cette odeur si particulière s’ajoutent celles de la terre, de la graisse rance, du vin, de l'urine et de la pourriture. Dans le lointain des grondements incessants et des fracas qui rappellent aux deux sœurs les roulements sourds et continus des tombereaux les jours de foire à Ay-Uhel. De forts claquements métalliques secs et répétés les interpellent ; le même son que feraient des clés dans des serrures. Toutes les trois discernent près d’elles des hurlements et des râles d’hommes qu’elles devinent derrière la bruine qui se met à tomber.

  • Artémis, Simétra, mon épée me manque, je me sens impuissante sans elle… L’ai-je perdue à tout jamais ? Pleure Mona.
  • Brancardières ! Brancardières par ici ! Vous arrivez trop tard pour le Paul… l’est parti rejoindre son frère ce matin…  Vous allez pouvoir soigner nos blessés ? Les ramener à l’arrière ? Les tirs des boches sont fournis et font des ravages dans nos rangs. Les nôtres leur répondent… pour sûr que de l’autre côté c’est du pareil au même. Quelle sale guerre ! S’écrie un homme courbé en deux qui s’approche d’elles à grands pas. « Caporal Lefèvre. Alphonse pour vous. Venez suivez-moi… Baissez-vous… Vous êtes trois… Vous ne nous ramenez rien des lignes arrière ? Vous allez avoir de la besogne, ici. Dépêchons-nous, suivez-moi, baissez vos jolies têtes m’zelles, rajoute-t-il en reprenant le boyau de terre qui zigzague dans la terre creusée.

Sur les parois terreuses du conduit qui serpente, elles notent par endroits que celles-ci sont renforcées par des planches ou des sacs de toile. Elles découvrent qu’elles présentent de nombreuses niches dans lesquelles des hommes se sont enfouis. La boue est de partout, elle suinte des murs, coulent en rigoles sur le fond vaseux. Cette dernière imprègne les vêtements, colore les visages des individus qu’elles entraperçoivent sur leur chemin. Certains de ces derniers sortent de leurs trous à leur passage, ils portent des braies qui ont dues être rouges à une époque, de longs pourpoints bleus aux pans retournés pour faciliter leur marche et qui ont pris la couleur de la craie environnante. Sur leur dos un paquet aux dimensions impressionnantes est fixé par des courroies de cuir leur donnant l’allure de grosses tortues impotentes et grotesques.  Beaucoup d’entre eux ressemblent à des morts-vivants, leurs regards sont vides et ils ne disent mots. Les trois jeunes femmes arrivent par un passage encaissé à une sorte d’abri fait de planches de bois et de plaques de fer où un feu a été allumé, sûrement pour chasser l’humidité ambiante. Elles aperçoivent, dans les deux renfoncements sur les côtés, des lits superposés où des corps sont allongés. Au milieu de l’espace éclairé par une lampe, une grande table autour de laquelle un homme en chemise aidé d’une femme vêtue de gris et coiffée de blanc s’affairent. Un individu y est couché, maintenu par deux autres personnes également en chemise. C’est de cet endroit que jaillissent les cris et les gémissements ; maintenant elles y perçoivent également des pleurs et des suffocations.

  • Que se passe-t-il ? Demande interloquée Artémis
  • Enfin, ma p’tite dame d’où venez-vous ? Vous êtes sur la ligne de front Pigalle, on vous y a envoyées pour nous donner un coup de main sûrement et pas pour rester là figées comme des statues... Nous essuyons les tirs de leur artillerie depuis ce matin. La tranchée s’effondre, les hommes meurent étouffés sous les décombres. Leurs maudites bombes tombent sans relâche et nous forcent à nous terrer quand elles ne nous déchiquètent pas. Nous prions pour que notre état-major ne nous demande pas de monter à l’assaut sous ce feu continu.  Ecoutez mes p’tites dames, ces claquements « Clic, Tac, tac, tac, tacatac, Clic Clac » ce sont leurs faucheuses, leurs mitrailleuses, 600 coups par minute qui déciment nos rangs… Nous sommes à bout d… 
  • Sergent ! Intervient la femme d’un ton sec. Occupons-nous du Caporal… Ces femmes semblent ignorer tout de nos tranchées mais elles apprendront vite. A croire qu’à l’arrière, ils ignorent tout de l’enfer dans lequel nous vivons. Pas d’illusions à avoir… Tous ces morts, tous ces blessés… Quelle boucherie !!! Elle ne devait pas durer cette sale guerre ! Maudits soient-ils ! Ajoute-t-elle en faisant un signe de croix. On devait leur donner une leçon à ces Boches, qu’ils disaient. Voilà où nous en sommes… Le pantalon et le képi rouge, c’est la France ! Pas question d’en changer. La tenue doit représenter l’élégance et le bon goût français. Sa beauté doit éblouir, imposer le respect et montrer la fierté de celui qui la porte, y compris au combat. Baliverne !  Dit-elle d’une voix tremblotante de colère. Mais tant qu’il y a de la vie… Il faut tenir, il faut y croire, n’est-ce pas, sergent ? … dit-elle après s’être ressaisie et avoir raffermi sa voix tremblotante d’émotions.
  • Vous avez raison, Sœur Marie-Madeleine. Vous trois, vous arrivez au bon moment, occupez-vous de ces blessés, pas le temps de changer leurs pansements, aidez-les à se lever et préparez les pour partir à l’arrière ; Caporal Lefèvre, 1er classe Tavernier aidez-les pour les mettre sur les brancards. Pour celui-ci, c’est trop tard, dit-il en mettant un drap sur le corps de l’homme qui git sur la table. Soldat Lepelletier, soldat Fournier vous pouvez vous débrouiller tout seuls, vos blessures ne vous empêcheront pas de marcher. Il y a le p’tit Antoine, les autres soldats blessés à évacuer, ils attendent à l’extérieur de la casemate. Montrez le chemin à ces jeunes dames… Elles apprendront vite ! Mesdames n’oubliez pas de nous revenir. Vous deux, Lefèvre, Tavernier, faites en sorte qu’elles reviennent, veillez-sur elles. Elles sont drôlement attifées… Ce ne sont pas nos affaires…

Soudain un bruit étrange fait sortir Marie Madeleine de l’abri, suivie de près du sergent qui regarde le ciel et s’exclame :

  • Notre avion de reconnaissance ! Il vient de la base arrière, il va survoler les lignes ennemies pour renseigner notre état-major…
  • Grâce à Dieu, il est des nôtres… Il passe plutôt bas, on s’entend à peine et on sent le souffle… Que Dieu le préserve… Prie Sœur Marie Madeleine en se signant pour la énième fois…
  • Quel drôle d’oiseau… Mais il y a un homme dessus… Qu’est-ce que cette invention ? Un avion vous dites ? Une création du diable ! L’homme ne peut voler, s’écrie Artémis atterrée par cette vision hors du commun.
  • Allons, dépêchez-vous, le passage de l’avion va calmer les humeurs des Fritz, profitez-en pour partir. Qu’elles mettent les brassards de la croix rouge, pour plus de sureté. Elles ont encore du boulot ici et ce n’est pas près de s’arrêter, avec ce qu’on a pris sur la tronche depuis ce matin, marmonne le sergent.
  • C’est quoi cette croix ? Elle ressemble à celle de nos chevaliers partis en croisade, demande Simétra en enfilant un bandeau de tissu blanc marqué d’une croix rouge sur son bras gauche, imitant en ceci Sœur Marie-Madeleine.
  • Cette croix, c’est votre protection… Merci Monsieur Dunant… « Inter arma caritas » belle devise ; mais qu’en est-il vraiment dans toute cette boucherie… Allez mes petites dames vous avez votre mission à remplir, et moi la mienne, répond le sergent d’un ton désabusé.

La petite troupe se prépare fébrilement, Artémis et Mona soutiennent à elles deux un homme qui n’a plus qu’une jambe, l’autre est coupée au niveau de l’aine. Simétra prête son épaule au p’tit Antoine blessé à la tête, il porte un pansement sanguinolent sur pratiquement tout le visage. Quatre autres individus blessés plus légèrement ont pris les deux brancards où deux soldats râlent au moindre mouvement tant leurs blessures sont importantes. Enfin prêts c’est sous les encouragements de certains mais aussi des réflexions aigres-douces de ceux qui restent là, que la colonne s’engage dans un petit boyau tortueux et encore plus encaissé que le premier fossé. Les trois jeunes femmes apprennent d’Alphonse qu’ils doivent rejoindre la tranchée dite de couverture puis continuer jusqu’à la tranchée de renfort qui se trouve bien en arrière de la première ligne de tir. Cette avancée n’est pas aisée, il pleut, la boue aspire le bas de leurs lourdes robes noires, empruntées à Dame Marie du Mayflower qui traîne au sol rendant leur progression très difficile. Le bruit incessant des artilleries qui se répondent, les cris des soldats qui tombent, qui jurent, qui prient, qui pleurent, qui ordonnent les épouvantent. L’odeur insupportable qui les entoure, les pénètre et les font tousser tout au long de leur périple, elles suffoquent… Tout est cauchemar pour nos trois jouvencelles perdues dans ce monde fait d’horreur. Enfin, ils arrivent à cette fameuse tranchée de renfort, celle-ci semble un peu mieux aménagée.

  • Tous ces murs sont plus hauts que là-bas, entièrement soutenus et renforcés par des sacs de sable, au sol ils ont mis des troncs d’arbre et des planches pour que l’eau et la boue s’écoulent au-dessous… Ils crapahutent au sec ici, leur explique Alphonse. Ceux sont des chanceux, enfin si on veut. La vermine et les rats sont leurs compagnons comme chez nous. Cette ligne de tranchée sert de chemin de ravitaillement et de zone de stockage pour les munitions, les provisions et le matériel. Les soldats peuvent également y prendre un peu de repos en prévision de la prochaine relève et surtout cette position est un poste avancé de soins ; ils ont de vrais soignants ici. Mais l’hosto est plus loin… Regardez au-dessus du parapet, vous pouvez ici, nous sommes loin des tirs de fusils ou de mitrailleuses. Là-bas, derrière la forêt on devine une église, Vous voyez les bâtiments ? Notre état-major s’y est installé. Ils sont hors de portée de l’artillerie des Boches… eux, ajoute-t-il amer.
  • On doit aller jusque là-bas ?  Demande Simétra atterrée.
  • Oh non ma p’tite dame, certains de nos blessés, les plus graves vont être acheminés à l’hosto par une autre équipe. Nous, nous devons retourner à P.p3Y, notre tranchée. Entre nous, nous préférons l’appeler « Pigalle » ; c’est de l’humour. Explique le Caporal devant l’air abasourdi de ses trois interlocutrices. Nous devons ramener du ravitaillement aux nôtres : du matériel médical, de la nourriture, des munitions et surtout le courrier. Rien de tel pour soutenir le moral des troupes, surtout aujourd’hui. Attendez-moi là, je dois remettre ce pli du sergent au capitaine de cette position… Très certainement une demande de renfort. Une escouade pour remplacer toutes les pertes que nous avons eu. Je vous laisse mesdames, attendez-moi, j’en ai pour quelques minutes. 1ère classe Tavernier, reste avec elles, commande-t-il en se retournant vers le Joseph.

Quelques heures plus tard, Alphonse, Joseph et les trois jeunes femmes reprennent le chemin de retour. En fin de journée ils sont enfin à « Pigalle », accompagnés par la quinzaine d’hommes de l’escouade envoyée en renfort. Ils sont tous accueillis avec des « hourras » et des quolibets des soldats heureux et rassurés de ne pas être complètement abandonnés par les leurs. On leur tape sur le dos, on les embrasse et on se précipite sur celui qui distribue le courrier. Comme des moineaux rassasiés, ensuite, ils s’éloignent, autant que la tranchée leur permet, pour s’isoler et se pencher sur des petits bouts de parchemin qui leur amènent le plus souvent des larmes aux yeux. Les trois jeunes femmes apprennent que durant leur absence, la guerre a encore malmené les hommes de « Pigalle ». Le sergent déplore la perte d’un de leurs compagnons et l’état de trois hommes bien amochés lors des deux assauts menés par les allemands. Tous sont dans la casemate et attendent la prochaine expédition pour être acheminés sur la ligne arrière… Mais ce sera seulement pour après-demain. En début de soirée les tirs de l’artillerie s’arrêtent. Un lourd silence imprègne la campagne qui n’est pas pour autant assagie. Plus de canonnage et plus de claquements de mitrailleuses, mais les cris et les plaintes des blessés animent toujours ce monde de désolation. Les hommes paraissent inquiets. Dans ce trop grand calme où le bruit des armes s’est tu naît la peur sournoise qui engendre des rumeurs annonçant un prochain affrontement. Beaucoup se signent, ferment les yeux et prient. Étourdiment, Simétra passe la tête au-dessus du petit parapet, le spectacle qu’elle découvre la remplit d’horreur et la fait choir au fond de la tranchée.

  • Par tous les saints… Quelle abomination !  Hurle-t-elle.

Sur des fils de fer qui s’enroulent sur eux même et qui longent à quelque distance la ligne de front dix mannequins désarticulés semblent incrustés dans les fils qui s’entrecroisent comme des mouches sur une toile d’araignée. Ce sont dix soldats vêtus d’un uniforme vert-grisâtre, dix ennemis qui sont morts là lors de leurs charges. Leurs frères d’armes ne sont pas encore venus les chercher de peur de tomber sous les balles des Français.

La nuit s’est installée, l’air a bien fraîchi et toujours ce presque silence lourd et menaçant. Sous la casemate, Sœur Marie-Madeleine s’est transformée en cuistot. Elle prépare dans une grande marmite une épaisse soupe avec des légumes frais et elle surveille sur une plaque de métal les morceaux de lard qui grillent. Ceux sont les victuailles qu’ils ont ramené de leur virée en ligne arrière, pour améliorer leur ordinaire. Sous le regard étonné de Simétra, le 1ère classe Lefèvre s’applique à écrire ; il lui explique qu’il note, comme tous les soirs sur son carnet tous les évènements de la journée. Un jour, peut-être si la chance lui sourit et qu’il s’en sorte de cette maudite guerre, il écrirait un livre pour raconter toute cette horreur. Il se lève lourdement, sort des tréteaux et installe des planches dessus pour en faire une grande table. Il y dépose une toile de tente et quelques petites branches pour la décorer ainsi que quatre bougies. Il veut organiser une petite fête ce soir et apporter un peu de réconfort aux hommes. Il se fait tard quand le sergent revient de son tour de l’inspection de la tranchée. Il annonce aux jeunes femmes qu’il y aura trois services pour le repas du soir afin de ne pas laisser les postes d’observation démunis… Qu’il fallait se méfier des Fritz, qu’ils pouvaient cette nuit attaquer une énième fois.

  • Mettez ces bouteilles de pinard et ces cruches de gnôle à table mam’zelle, dit-il à Simétra, nos poilus seront ravis de chanter : « Le pinard c’est de la vinasse, ça fait du bien là où qu’ça passe. Foi de Simon… Il faut faire la fête ce soir, tant qu’il est temps… Sœur Marie, vous pouvez venir avec la bectance, les gars pour le premier service sont là, Joseph et Paul vont vous aider. Les filles installez-vous avec ces hommes. J’attendrai le prochain service…
  • Mais nous pouvons attendre… Donnez plutôt à vos hommes, ils doivent être affamés et avec ses odeurs…  Répond Artémis.
  • Écoutez, on dirait de la musique… Interrompt Mona.
  • De la cornemuse ? Ceux sont les engliches… Commente le Joseph

Le silence se fait et dans le lointain on entend l’air d’une douce mélodie qui provoque la stupeur chez les poilus. Puis leurs regards s’intensifient, se font larmoyants et pudiques les hommes baissent la tête. Cette émotion n’échappe pas aux trois jeunes femmes qui cherchent à comprendre le pourquoi.

  • Oh ! C’est Douce Nuit ! S’écrie Sœur Marie-Madeleine tout aussi émue que ses compagnons.

Écoutez des voix se joignent aux instruments. 

  • Sergent, Sergent regardez il y a quelque chose qui se passe du côté des Boches, regardez toutes ces lumières. Annonce la sentinelle.
  • Par tous les Dieux… Euh ! Excusez-moi ma sœur. Mais voyez ça ! Les boches ont installé des lumières sur le sommet de leur tranchée, c’est à n’y rien comprendre. Est-ce un piège ? Demande le sergent.
  • Ceux sont les allemands qui chantent… C’est « Stille Nacht » que nous connaissons sous le titre de « Douce nuit ». C’est un chant de paix et de fraternité, cette mélodie est un texte porteur d’espoir… La guerre est-elle finie ? Nous n’avons aucune nouvelle de l’état-major dans ce sens, n’est-ce pas Sergent ?  Interroge Sœur Marie-Madeleine.
  • Non, rien de tel ma Sœur, ce matin il était question d’en découdre encore avec l’ennemi. Mais regardez, ils sortent de leur tranchée, ils sont désarmés, ils lèvent les bras au ciel et viennent vers nous. Se rendent-ils ? Que doit-on faire ?
  • Sortons, allons à leur rencontre, faisons de même… C’est un miracle ! Pleure Sœur Marie-Madeleine.

L’angoisse, la douleur et la haine laissent la place à l’incompréhension teintée d’espérance. Les visages s’illuminent, une joie timide qui ne demande qu’à grandir s’enflamme dans le cœur de ces hommes meurtris. Même Artémis, Simétra et Mona sont sujettes à cette ambiance de paix et d’espoir. Les belligérants se sont rassemblés sur le « no man’s land », se regardent incrédules, se sourient maladroitement, se touchent et ensemble ils se mettent de nouveau à chanter. Chacun dans leur langue entonne cet hymne d’espoir, amenant les lointaines cornemuses à se joindre à eux. L’émotion est à son comble, Artémis saisit Simétra et Mona, les fait reculer vers la tranchée et leur dit :

  • Encore une fois, nous devons partir, personne ne pense à nous. Repartons vers les lignes arrière et cherchons un endroit propice pour nous échapper de ce bourbier. Ce n’est pas notre monde, ce n’est pas notre guerre…
  • Mais nous devrions rester et les aider… Intervient timidement Simétra.
  • Non Simétra, ce n’est pas notre guerre ! Nous n’avons rien à faire ici… Partons ! Tels que je les vois, ces malheureux… à se serrer les mains… il n’y aura plus de guerre demain. Ces Français, ces Boches ont trop souffert et dans le regard de l’autre ils ne rencontrent que la même horreur. Regardez, les deux camps s’aident pour enlever les corps des soldats épinglés sur les fils de fer. Ces hommes vont faire la paix…J’en suis certaine.  Ils n’ont plus besoin de nous. Prenons un peu de leur pain dur et partons tout de suite. 

Les trois jeunes femmes se hâtent de retourner discrètement dans la tranchée. Artémis prend un peu de pain dur, quelques morceaux de lard grillé et une bouteille de ce fameux pinard dans la besace. Simétra voit le carnet du Caporal Lefèvre sur la table, le prend pour y mettre un mot d’adieu. Au-dessus des écritures d’Alphonse elle croit lire « 24 décembre 1914 ». Elle laisse le petit carnet sur la table, n’y met aucun mot, le petit bâton qui écrit reste introuvable.

 

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