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desmotsdebrie

Atelier d'écriture créative, écriture partagée, en groupe, littérature, poésie, nouvelles, apprentissage techniques d'écriture,exemples de contrainte d'écriture

Mon arrivée dans le monde réel

Mon arrivée dans le monde réel

En me réveillant aujourd’hui, je distingue quelques ombres mouvantes dans la pénombre qui m’entoure. Jusqu’à présent, seuls mon odorat et mon toucher me guidaient. Comme toujours, je sens cette chose tiède et humide lécher ma truffe, s’engouffrer dans mes oreilles, me caresser le corps et me pousser vers l’objet de tous mes désirs. Je saisis la petite excroissance dans le pelage, ma langue s’incurve et s’enroule autour d’elle. Mes deux pattes antérieures pourvues de griffes acérées pédalent dans cette chair confortable et moelleuse. Je me délecte. Soudain, en levant les yeux, je découvre deux grandes taches lumineuses, avec en leur centre un large point noir. Je m’affole, j’avale de travers, m’étouffe et lâche la mamelle. Je m’apprête à ramper pour me cacher. De nouveau, la caresse mouillée vient me réconforter par son doux et apaisant va et vient sur le corps. Je me sens retournée, mise sur le dos, et là, la caresse devient massage, mon ventre se relâche, je me laisse aller. Mes appréhensions disparaissent. Epuisée, je m’endorme.

Lors de mes réveils suivants, je fais la connaissance de ma mère, de mes frères et de mes sœurs. Nous sommes 7 dans la fratrie et nous aimons nous recroqueviller les uns sur les autres surtout quand notre mère s’absente. Mais où va-t-elle ? Quand elle revient nous l’accueillons avec maints gémissements et réclamons à qui mieux mieux qu’elle s’installe pour nous donner la tétée. Dans ce lieu sombre, ma mère m’apparait toute auréolée, sa fourrure chatoyante capte et reflète la faible lumière venue d’ailleurs. Les 7 boules de poils que nous sommes sont toutes différentes les unes des autres par nos pelages allant du noir au blanc, de l’uni au tigré en passant par le tacheté.  Nous avons tous de petites oreilles triangulaires qui surmontent deux yeux au regard un peu trouble. Leur forme est légèrement ovale et leur tour est souligné d’un trait noir. Nos museaux courts se terminent par une truffe noire ou rose bien humide. Il paraît que le mien est rose avec une petite tache noire en son milieu. Mes poils sont blancs et mes yeux sont entre le gris et le bleu. Je suis la plus remuante de la tribu, les autres ne pensent qu’à téter et à dormir.

Le temps passe, je deviens de plus en plus aventureuse. Je m’éloigne d’eux en rampant, je leur grimpe sur le dos et il m’arrive même de leur mordiller les oreilles. Je joue avec mes pattes aux tendres coussinets roses et aime sortir mes griffes pour taquiner mes frères et sœurs. Je deviens si agitée que ma mère s’impatiente. En grognant, elle m’attrape dans sa gueule par la nuque et me secoue. Je ne fais pas la fière. Elle me dépose près d’elle, me met sur le dos, et soumise je lui tends mon ventre en signe de repentance.

Bienveillante, elle me donne un coup de sa langue râpeuse et décide de calmer mes ardeurs aventurières en me racontant une histoire. Elle s’installe confortablement, nous rapproche tous d’elle avec son museau et nous dit :

- « Allez, les enfants soyez sages et écoutez-moi. J’ai toujours vécu dans la rue et j’ai appris dès mon plus jeune âge à me débrouiller pour trouver le gîte et le couvert. J’ai vécu des périodes de disette où je pensais la fin venue. J’ai eu aussi des moments de pur bonheur et d’abondance quand j’ai eu la chance de tomber sur des familles d’humains bienveillantes.  C’était plutôt rare.  Bien entendu il m’est arrivé maintes aventures, des agréables mais aussi des terribles, comme celle où j’ai été renversée par une automobile et laissée pour morte sur la route froide et humide. Heureusement, une âme charitable m’a sauvée et emportée chez le vétérinaire. J’ai été bien soignée et j’ai guéri. Cette vieille dame m’a récupérée et j’ai pu être heureuse avec elle quelque temps. Je passais mes journées à dormir sur ses genoux ou sur son lit, je rêvassais dans son jardin et j’avais de la bonne nourriture à profusion. Malheureusement son fils est venu revivre chez elle avec ses enfants. Et là ce fut l’horreur ! Des monstres, ces deux garçons ! Ils me pourchassaient, m’attrapaient quand je n’avais pas été assez rapide pour les esquiver. Ils me tiraient les oreilles, la queue et même une fois ils ont essayé de me faire prendre un bain. Je n’avais plus le droit de grimper sur le lit ou le canapé pour m’endormir devant la cheminée ronronnante. Une vague couverture toute mitée me servait de couche.

A-t-on déjà vu qu’il fallait nous baigner ? Ne sommes-nous pas suffisamment propres pour éviter cette hérésie ? On se lave tous les jours et plusieurs fois même. Ne mérite-t-on pas mieux qu’un immonde pucier pour se reposer ?

Toujours est-il que j’ai décidé alors de m’enfuir et de revivre en toute liberté, même si la vie n’est pas toujours rose dehors.

Je fréquente qui je veux, je dors où et quand je le désire. Près de la ville il y a toujours des endroits où je peux me restaurer ; il y a tant de gaspillage chez les humains.  Je peux me reposer en toute quiétude avec un minimum de confort, mais suffisant pour moi qui ait déjà connu la rue. Beaucoup de ces deux pattes laissent leur garage et leurs dépendances accessibles… Et puis, je suis devenue une experte en débrouilles et roublardises. Je connais les faiblesses des hommes et m’en sert pour les amadouer… »

« Maman ! Maman, viens voir ! J’ai découvert où Vagabonde a mis bas. Dans l’abri de jardin ! Il y a 7 de chatons dans l’armoire à confitures. » Crie une voix que j’entends pour la première fois.

 

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Y
Bravo ! On s'y croirait.
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