Atelier d'écriture créative, écriture partagée, en groupe, littérature, poésie, nouvelles, apprentissage techniques d'écriture,exemples de contrainte d'écriture
17 Août 2020
Monsieur le Ministre de l’Ecologie,
Je vous écris parce qu’il faut que je vous explique quelque chose qui va pas. Mais alors pas du tout.
Voilà : depuis le confinement, ma femme Gillette range beaucoup à la maison. Comme j’étais réfugié dans ma cabane de jardin le temps qu’elle a passé à fabriquer des masques, j’ai pas tout vu de son emploi du temps.
Bref, quand elle en a eu marre de coudre, elle s’est mise à ranger le garage pour déblayer tout un pan de mur. Là, elle a entreposé tous les bacs de tri pour faire baisser les déchets ménagers.
Depuis le 11 mai, c’est moi qui m’occupe des poubelles parce qu’elle prépare ses prochaines randonnées.
La première fois qu’elle m’a confié ce travail, je me suis dit que ben ma foi, pourquoi pas, ça allait être vite fait. Et elle m’a dit :
J’ai haussé les épaules et je suis parti. Quand j’ai ouvert la porte du garage, j’en ai perdu ma casquette. Non mais, ça va pas le tri ! Vous êtes malade ou quoi ! Chez vous, c’est pas vous qui le faites, c’est pas possible !
Les tas et les conteneurs s’alignaient tout le long d’un mur, au-dessus s’inscrivaient la destination et un itinéraire :
Et le reste alors ?
Et attendez la suite, parce que le plus beau vient maintenant :
Je dépose les épluchures sur le compost. Pas de problème.
Comme j’ai préféré broyer les branches dans le broyeur, ça m’a pris un peu de temps.
J’ai chargé le restant dans ma camionnette.
J’ai déposé les verres dans le conteneur sur la route du supermarché.
Le bac à vêtements était plein jusqu’à ras bord de sacs qui puaient. J’ai pas pu les déposer.
Quand j’ai voulu vider les bouteilles en plastique dans la machine, elle s’est bloquée et j’ai du repartir avec la moitié de mes bouteilles.
J’ai déposé les piles et les ampoules dans un bac à l’entrée du supermarché.
Puis, j’ai déposé les médicaments chez le pharmacien qui n’a pas voulu des boites : je les ai remportées pour les mettre dans le bac jaune.
La Croix rouge était pas ouverte le matin, fallait revenir l’après-midi. J’ai repris mes cartons.
J’ai laissé les montures chez l’ophtalmo,
Je suis remonté à Trouvert à la déchetterie, mais elle était fermée parce qu’il était midi.
Je suis rentré déjeuner. J’ai fait le bilan. J’en avais encore plein le coffre et plein de publicité dans la boite à lettres que j’ai mise dans le bac jaune que je n’ai pas pu fermer à cause des bouteilles en plastique qu’étaient pas prévues.
Je suis reparti les mettre dans les poubelles à Beautrou. Je suis repassé à la déchetterie et comme j’étais en avance, j’ai attendu un peu.
En descendant, j’ai fait la queue à la Croix rouge pour déposer les vêtements et la vaisselle.
Quand je suis rentré, j’avais loupé « Personne n’y avait pensé » à la télé et j’en pouvais plus de faire l’éboueur !
Donc, si j’ai bien compris, pour réduire les déchets ménagers, il faut augmenter tout ce qui peut se recycler et surtout, c’est à nous citoyens contribuables que revient la tâche de les déposer aux endroits prévus à cet effet et sont ramassés les recyclables papiers et les déchets ménagers qui n’existent plus.
C’est-à-dire qu’on m’envoie une facture de ramassage pour quelque chose qui n’est plus ramassé.
Vous m’avez suivi ?
Donc, je résume, les éboueurs sont payés pour passer aussi souvent qu’avant, voire moins et sont payés pour le faire et nous, nous évacuons à nos frais ce que les éboueurs ne ramassent plus.
Bref la balance pèse moins d’un côté et augmente de l’autre, résultat, on en est toujours au même point, à savoir que les déchets ne baissent pas, c’est juste la répartition du ramassage qui change.
Je ne sais pas si c’est un marché équitable, j’appellerais plutôt ça un marché lamentable.
Avant, vous ramassiez tout en vrac et maintenant que je trie, il faut que je me débrouille pour évacuer des choses qu’on continue à me vendre sans s’occuper où elles vont finir quand elles seront hors d’usage. Le principal, c’est de les vendre et après, après vous le fin du monde !
Vous voulez pas que je ramasse les mégots et les papiers de ma commune que des salopiauds jettent partout aussi ? Et bénévolement aussi ?
Et vous voulez pas que je vous apporte mes déchets végétaux pour en faire du compost et me le revendre après ? C’est pas une belle idée ça ?
Et vous vous foutez pas un peu de moi par hasard ?
La dernière fois que j’ai fait les courses, j’ai rempli le conteneur de recyclables avec les emballages.
Et vous, quand est-ce que vous allez faire un effort et balayer devant votre porte ?
Il me semble que vous avez un sens du bénévolat et de la citoyenneté qui a une drôle de définition : « Travaillez et souriez ! ». Pour un peu, si je crie trop, vous allez m’offrir une médaille en chocolat !
Je sais, c’est comme ça que Loulou fait avec ses employés.
Je comprends mieux maintenant pourquoi à certains endroits les poubelles brûlent, les gens en ont marre de trier pour rien !
Et quand les voitures brûlent dans les banlieues, c’est qu’il doit y avoir un sacré problème pour les évacuer !
Et ça vous interpelle pas ?
Si j’ai bien compris, les dirigeants, en plus d’être sourds et muets, vous êtes aussi aveugles !
Ben, si jamais, vous attrapez le virus, vous pourrez même plus sentir dans quelle merde vous nous avez mis !
Sylvestre
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