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desmotsdebrie

Atelier d'écriture créative, écriture partagée, en groupe, littérature, poésie, nouvelles, apprentissage techniques d'écriture,exemples de contrainte d'écriture

La Disparue du Petit Morin

La Disparue du Petit Morin

La disparue du Petit Morin

 

Tout le monde l’appelle Madame Armand. On ne connait ni son prénom ni son mari. Petite, boulotte, le teint foncé et les yeux sombres elle n’engage pas à la conversation. Avec cet air pas commode et son pas cadencé qu’elle utilise en promenant son chien, elle a peu d’amis.

A Courcelles sous Jouarre, les promeneurs de chien sont légion qui arpentent les chemins bordant le Petit Morin. Le site verdoyant où coule la petite rivière tortueuse est tellement beau qu’il séduit les promeneurs de tout poil.

Le petit pont enjambant l’eau est un patrimoine que les Courcellois chouchoutent depuis des siècles.

Madame Armand, donc, en Courcelloise charmée promène son chien dans ce beau paysage, chaque jour, à heures régulières. Son petit chien habitué à son parcours assidu connait le chemin.

Pourtant, par un beau matin de printemps, le petit chien de Madame Armand est assis au bord de l’eau , seul. Sa laisse traîne à l’abandon dans l’herbe naissante. C’est ainsi que le surprend Marilou, une promeneuse de chien qui fréquente les mêmes sentiers. Intriguée, elle s’approche de l’animal qui gémit et lui fait la fête tout en l’entrainant vers la rive. Elle lui parle tout bas et se demande pourquoi Nemo est là tout seul. Elle se penche vers la rivière très basse qui s’agite nerveusement à ras des pierres. Elle ne découvre rien ni personne.

Elle décide de ramener le chien chez Madame Armand qu’elle connait bien. Jamais cette femme n’aurait abandonné son animal sans surveillance au bord du Morin.

Malgré ses efforts, la porte de Madame Armand reste close. Elle n’est pas chez elle. Marilou décide de prendre soin de Nemo et dès son arrivée chez elle prévient la police municipale qui descend rapidement de Jouarre.

Informés, les deux policiers se rendent à leur tour chez Madame Armand. Celle-ci ne répond ni aux coups donnés sur la porte, ni à la sonnette, ni aux appels téléphoniques. La maison reste muette.

Les deux policiers se tournent vers le lieu où Nemo a été découvert par Marilou.

Rien ne permet de déceler la présence de Madame Armand. On se met à sa recherche, on l’appelle, on fouille les buissons, on s’infiltre dans les chemins. On arpente le champs communal et on descend dans les fossés. Personne.

Marilou accepte de s’occuper de Nemo jusqu’à nouvel ordre. Le petit chien , impatient semble s’accommoder de sa nouvelle maitresse.

Deux jours passent sans le retour de Madame Armand. La gendarmerie appelée à la rescousse débarque sur la Place des Usages et entame une enquête. Elle est dirigée par le Capitaine Benoit et le Lieutenant Clément qui connaissent bien le petit hameau. Ils y ont déjà élucidé plusieurs affaires, mais ce sont là d’autres histoires que je vous raconterai si votre curiosité l’exige.

Le Capitaine est un bel homme dans la force de l’âge, pragmatique et philosophe. Lui aussi connait bien les rives du Petit Morin. C’est là qu’il promène son chien quand il veut réfléchir. Et là, il a besoin de réfléchir.

Le Lieutenant Clément, quant à lui, c’est l’expérience qui parle, se méfie des vieilles dames. Il sait de quoi elles sont capables.

Benoit l’emmène tout de suite le long de la rivière et lui fait découvrir des endroits inconnus. Ce pont de la Dhuis au dos rond comme celui d’un chat. Il aperçoit le hameau niché en pente éclairé en permanence par le feu rouge de l’avenue de Châlons et le beau château qu’il n’avait jamais admiré de si loin.

Benoît hume l’air briard comme un chien de chasse et balaie le sol de son regard vif mais il y a trop de traces de passage d’animaux.

Il revient vers la Place des Usages et commence son enquête de voisinage. Les voisins sont toujours une source inépuisable d’idées, de mots, d’interprétations qu’il lui faudra trier et rassembler pour reconstituer le puzzle. Il y a déjà l’évidence de la situation : Madame Armand n’est pas beaucoup aimée. Elle est en retraite et ne reçoit personne. Elle discute pourtant souvent avec les promeneurs de chiens les nombreuses fois de la journée où elle promène le sien. Elle est très heurée, et c’est là que le bât blesse. Benoît s’est déjà renseigné : Le Petit Morin n’a pas rendu de noyé.

Tout s’est passé ici, à Courcelles puisque la voiture de la vieille dame repose tranquillement dans son garage.

Benoît se rend chez Marilou, celle qui la connait le mieux. Marilou est en train de lire la dernière parution d’un auteur à succès. Le livre à la main elle ouvre la porte à regret. Benoît jette un œil curieux au livre et Marilou explique :

- Quand je suis plongée dans les livres de Camille Toulesjours, je perds le Nord. C’est tellement vrai toutes ses histoires…

Agacé par ce genre de littérature, Benoît soupire et questionne notre amie qui fait un portrait sans réserve de Madame Armand :

- Elle ne sort presque pas de sa maison, pourtant c’est un mouchoir de poche. Elle ne va pas en randonnée, ni au théâtre, ni au cinéma, ni en voyage. Elle n’est pas inscrite à la bibliothèque et il n’y a pas de livres chez elle. Elle ne regarde que « Fort Boyard » à la télé. Elle ne s’intéresse même pas aux histoires de Camille Toulesjours. Ça lui hérisse le poil quand je lui en parle alors que ce sont des histoires de tous les jours. Elle écoute seulement quand je lui raconte les faits divers. Si elle n’est pas tombée dans le Petit Morin, où est-elle, se plaint notre témoin accompagnée par Nemo qui gémit à son tour ?

Il jappe, il virevolte vers la porte, prend son élan et grimpe l’escalier en courant pour s’allonger sur le lit de la chambre du premier étage.

- Et le voisin d’en face, continue Benoît, on n’arrive pas à le joindre, vous le connaissez ?

- Etienne ? Il est sourd et muet. C’est chez lui qu’on retrouve Nemo quand il s’échappe.

- Pourquoi s’échappe t-il ?

- …Ben, je crois qu’il en a marre de sa maîtresse, il voudrait en changer. Vous avez remarqué comme il est heureux ici ?

Clément rejette son képi en arrière et demande :

- Mais alors, que fait-elle de ses journées ?

- Je n’en sais rien avoue Marilou. Elle n’a même pas de petit ami, de toute façon, elle est tellement maniaque qu’elle ne peut pas vivre avec quelqu’un et…

Inquiet de la tournure que prend la conversation Benoît s’apprête à s’en aller quand Marilou ajoute :

- C’est quand même pas un rapt ?! Qu’est ce qu’on pourrait faire d’elle ? Elle n’est pas riche et pas gaie non plus…Et puis, elle est vieille.

Benoît est anéanti par ces arguments et suggère à Marilou de changer d’auteur, puis il lui demande de lui confier Nemo et s’en va, suivi de près par Clément qui réfléchit :

Si elle ne s’est pas noyée,

Si elle n’est pas chez elle,

Si elle n’a pas été enlevée… Il parvient à une conclusion inquiétante :

- Dites, Capitaine, elle est où Madame Armand ?

- … C’est Nemo qui connait la réponse,

-  Ah non, ça va pas recommencer avec les animaux, comme s’ils comprenaient tout ! s’insurge le Lieutenant,

- …Eh oui, et pourtant le petit chien est le seul témoin, répond Benoît, taquin.

Clément observe son chef qui tient le petit chien en laisse et sait qu’il a déjà une idée derrière la tête.

Les deux gendarmes regardés de loin ressemblent à Astérix et Obélix guidés par Idéfix…qui les conduit chez Etienne.

Quand ils arrivent, Etienne travaille dans son jardin et Nemo se jette sur lui pour lui faire la fête.

Alors, tout va vite : le chien s’engouffre dans la maison, grimpe les escaliers et jappe de plaisir, il ne pense même plus au chat qu’il avait poursuivi jusqu’au bord du Morin et qui a déclenché toute cette histoire.

Nos deux gendarmes sur ses traces découvrent Madame Armand, le petit chien sur les genoux, un sourire éclatant sur les lèvres et Benoit émet un « Oh ! » de surprise :

Sous ses yeux lui apparait Camille Toulesjours, l’auteur en vogue du moment, assise devant son ordinateur qui leur explique qu’elle vient de terminer son dernier livre. Un vrai roman qu’un éditeur connu a accepté de publier. Elle vient juste de recevoir la nouvelle .Et cette fois, fini l’anonymat, elle ne sera même plus Madame Armand contrainte d’écrire en cachette chez son voisin d’en face, elle sera Amanda Dream … pour faire rêver ses lecteurs. Mais les gendarmes étaient vraiment charmants de lui ramener son Nemo. Il ne fallait pas s’inquiéter : il retrouve toujours son chemin !

 

 

 

 

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C
Je découvre ce texte... Etrange il était passé à la trappe, je croyais avoir lu tous les textes du blog... C'est son titre qui a attiré mon attention et pour cause après le mystère de la vieille dame noyée du Morin mon esprit a fait tilt au nom Morin. J'ai voulu savoir ce qui se passait encore auprès de ce Morin... Quelle belle chute !!! Une chute comme tu affectionnes, on ne la pas vue venir. Bravo. La lecture de ce texte est agréable, l'histoire est prenante, on veut savoir ce qui a pu arriver à cette Mme Armand. Tes tournures de phrases rendent ton texte léger,. tes personnages sont bien nommés, décrits, ce qui les rend réels. J'ai apprécié cette lecture, un moment de plaisir. J'ai découvert un mot "heurés". Merci Catherine.
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