Les Ogres Modernes

Les magasins sont des havres de vie, parait-il. Là flânent des gens à l’âme errante.

Là, des femmes pressées entassent des vivres à pleins chariots.

Là, des enfants font la liste de Noël.

Avant, ils allaient à l’épicerie, à côté. Par petits cabas, ils achetaient à peine.

L’argent ne rentrait pas dans le porte-monnaie car il était trop petit.

Dorénavant, ils s’égaient dans les rayons, actives abeilles de la consommation, les sens en observation.

Ils se repaissent des choses à danger élevé d’achat, plein d’envies éphémères afin de tromper la tristesse : acheter, c’est exister.

D’abord, ils se retiennent, ils réfléchissent, ils résistent, puis ils cèdent et tirent de la poche la carte bancaire. Objet enchanté à effet immédiat.

Enfin, ils comptent, ils décomptent, ils recomptent. Bref, ils additionnent, ils ôtent, ils divisent, ils triplent, ils chiffrent, comptables des petits biens matériels ne servant à rien mais cajolent l’âme en peine. Ils consomment ainsi l’argent et le temps. Pendant ce temps, l’esprit s’envole vers le paradis.

Les magasins sont des ogres attendant les hommes comme la sorcière attend la princesse, prête à tendre sa pomme brillante. Don empoisonné, étincelant et nocif.

Les magasins sont immenses, éclairés, rayonnants, éparpillés et à portée de mains, pleins de trésors vains. Mais vides de sens, ils attirent les appétits sans avenir.

Ils restreignent le plaisir à un billet, des pièces, des cartes bancaires alors que la vie est ailleurs…

Catherine

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Contrainte: faire ses courses sans le "U"