Sylvestre et le stationnement

Episode 3

Monsieur Le Maire,

Bonjour Arthur, c’est moi Sylvestre. On se connait un peu tous les deux : Gillette était ta maitresse d’école et tu étais un ami de classe de notre fille Victoire.

Je me rappelais pas ton prénom et c’est Gillette qui me la donné. C’est bizarre, je me rappelais pas que tu t’appelais Arthur.

Mais si, tous les maires se font appelés Arthur, elle a répondu.

Bon, comme je suis un peu distrait, j’ai pas approfondi.

Je t’écris au sujet de la facture du parking de samedi dernier. J’ai passé une mauvaise journée à Paris et quand j’ai repris ma voiture, la facture était sur le pare-brise. Quand je me suis garé sur le parking, y avait pas une seule voiture et quand je suis revenu à la nuit, y’en avait pas non plus. Je me suis bien garé comme il faut grâce aux lignes bleues peintes sur le sol. C’est nouveau ça ? C’est bien, comme ça les voitures sont bien alignées.

En plus, quand j’ai quitté le parking, arrivé au bout de la rue, y avait la police locale. C’est pas la même qu’à Paris, ici, ils sont habillés en bleu avec une bande sur leur pull où c’est écrit « gendarmerie ». Le gendarme, je le connais aussi : c’est Charles. Quand vous étiez petits, vous arrêtiez pas de vous battre avec lui Victoire et toi.

Remarque, je vous comprends, en plus de pas être beau, il est d’une longueur et se tient raide comme un général. Il aimerait pas ce qui se passe à Paris en ce moment. Je suis sûr qu’il finirait par revenir à la campagne se mettre au vert. Je me demande bien ce qu’il faisait là au rond-point avec ses collègues, d’habitude ils sont enfermés à la gendarmerie à cette heure-là.

Bref, il m’arrête et il me dit :

Faut faire demi-tour Monsieur Sylvestre, vous roulez en sens interdit,
Quoi ? Depuis quand la rue est en sens unique ? Je suis toujours passé dans ce sens et personne m’a jamais rien dit,
Ça fait un moment que la rue est en sens unique.
Je suis né ici mon gars et la rue a jamais été en sens unique. C’est quoi ces manières de tout changer d’un seul coup sans demander l’avis aux gens. C’est la faute des Parisiens : depuis qu’ils viennent en vacances chez nous, c’est le bordel. Si tu voyais les rues à Paris tu comprendrais.

Pour pas le contrarier, j’ai obéi. Mais va pas falloir me le faire souvent le coup du sens interdit, sinon j’envoie Gillette.

Il m’a indiqué le nouveau parcours et j’ai fait un de ces détour ! Dis donc Arthur, si c’est toi qu’a décidé ça, c’est pas malin ou alors t’as une idée derrière la tête. Ce serait pas pour nous faire consommer du gasoil des fois ?

Il manquerait plus que les prix augmentent et t’as tous les chasseurs sur le dos !

Et depuis quand il faut payer pour se garer ? Les impôts, ça sert à quoi ?

A la maison, c’est Gillette qui fait les comptes et tu la connais, des fois, elle a la tête près du bonnet et en ce moment elle enfile son bonnet rouge et j’ai remarqué que quand elle met celui-là, ça l’énerve.

J’aurais pu demander à mon neveu Loulou de m’aider, mais en ce moment il a des problèmes. Je le vois bien : depuis qu’il est revenu de son voyage en Argentine, il fait la tête. Avant de partir, il avait commencé à lire Astérix et il arrêtait pas de rigoler avec les Gaulois. Je comprenais pas bien ce qui l’amusait, il est tellement différent, il ressemble plus à un Romain avec ses cheveux courts, son menton bien rasé, sa stature de poids plume et son esprit d’entreprise. Si tu veux mon avis, il doit avoir des problèmes avec Bleuette. C’est sa femme. Son vrai nom c’est Antoinette mais nous on l’appelle Bleuette parce qu’elle a souvent des costumes bleus. Bref, je veux pas l’ennuyer en ce moment, il est trop tendu. Il écoute pas ce qu’on lui dit, il répond pas et il s’enferme chez lui.

Alors voilà, on se connait bien tous les deux, je te propose une solution.

C’est bientôt Noël, je t’offre un cuissot de chevreuil ou du pâté de sanglier, tu choisis.

Ça s’appelle du troc. Gillette, elle est pour : plus de circulation d’argent, c’est rapport à quelque chose de capital et c’est bon pour la planète. Tu perdras pas au change. C’est bio. Et après on se salue comme on fait d’habitude et on en parle plus.

Avant de te quitter, je voulais te dire merci pour les nouveaux lampadaires. Ça éclaire bien et le soir, plus besoin d’allumer la lumière dans la cuisine si on ferme pas les volets. C’est beau le progrès quand même.

A bientôt Arthur.

Ton ami Sylvestre