Ecrire sur une lettre de l'alphabet

6 Mars 2017

Et si l'on parlait des lettres? Nous avons tous un rapport insoupçonné avec les lettres.

J'en ai choisi une, je lui laisse la paroles avec mes mots.

La lettre aristocrate

Dans l’alphabet où je vis, je suis une lettre discrète et surprenante . On peut m’entendre ou pas, mais quand on me lit, on me découvre là où l’on ne m’attend pas.

Quand j’aspire à être connue, je sais empêcher les liaisons dangereuses et je m’immisce, hautaine entre les voyelles , l’apostrophe ou le « S » du pluriel, toujours là à me guetter pour m’éliminer. C’est mon seul moment de solitude à l’oral. C’est dans ce moment là que ceux qui m’aiment me chérissent le plus pour le confort de leurs oreilles.

Je m’interroge souvent sur ma présence en des endroits hasardeux. Car, en cas de rhume ou de théorème, j’aggrave la situation déjà problématique pour les malades ou les littéraires. Et là, je peux inspirer de la haine.

Je suis donc une drôle de lettre pour ces Français, tapageurs er râleurs qu’un seul grain de sable dans la machine quotidienne peut dérouter. Je suis toujours là, à l’affût. J’agis dans la machine bien huilée pour fâcher la population.

En plus, je ne les fais pas rire comme le « Q » que d’ailleurs je fréquente peu. Ainsi, je suis une lettre solitaire et parfois, semble-t-il, j’apparais comme une parure inutile. Or, j’ai mes raisons.

Pourtant, j’ai deux alliés qui me serrent de prêt pour provoquer un son où, à nouveau, je me dévoile. Mes amis, le « C » et le « P » m’aident à trouver la place qui m’a été dévolue et alors, je deviens la hantise des écoliers et des écrivains de tout poil.

Là, on m’entend et on sait me coucher sur le papier car je suis honnête malgré tout. Quand mon ami le « P » se joint à moi, je deviens philosophe et je peux m’évader au pays des phantasmes même si le « F » me fait concurrence. Mais nous sommes philologues aussi et nous arrivons à charmer les lecteurs grâce à nos philtres.

Grâce à mon autre ami le « C », je sais chanter en chœur, tout comme chuchoter.

J’aurais préféré me présenter avec plus de hardiesse, mais je ne suis pas un histrion. Je n’arrive pas à me rendre hommage même si je suis hébergée par les mots et que je compte dans l’alphabet. Je suis l’héritière d’un passé hellène qui heurte la compréhension mais je n’en ai pas honte. Je prends des horions et mon humeur n’en est pas affectée. On peut me traiter d’hypocrite mais pas d’hurluberlu.

J’ai mon hypothèse sur les gens qui me condamnent, car malgré tout ce qu’on pense, je participe quand même à l’hilarité et au bonheur.

Et si je contribue au silence, c’est tout à mon honneur puisque j’ai été créée pour me taire à bon escient. D’ ailleurs, les Français devraient s’inspirer de cette destinée, à l’heure où faire beaucoup de bruit est une forme d’existence. Ils ne savent pas se fermer comme une huître au moment favorable.

Si j’ai le malheur d’embarrasser leur vie épistolaire, ils devraient pourtant me respecter.

J’existe depuis des siècles avec ma charge mais pas avec la paresse, avec mon esprit haut perché sans orgueil. Je ne trempe pas non plus dans l’oisiveté mais dans la tâche.

Evidemment je ne suis pas simple mais tellement humble malgré les apparences ; ni écologiste mais quand même éthologiste.

Avec moi, vos mots sont riches. Ils n’ont pas besoin de coffres-forts pour les harmoniser au milieu de textes à l’apparence charmante mais recherchée.

Alors, qui suis-je ?

Je suis la lettre de la léthargie et du typhon. Je ne suis pas dans le secret mais je vis dans une cachette. Inutile de me houspiller car je suis hermétique à vos hurlements et n’aspire qu’à l’harmonie.

Je suis la duchesse de l’alphabet.

Vous m’avez trouvée ?

Chut … Allons, ne comptez pas sur le hasard et hâtez vous… j’habite au numéro huit !